Midi Olympique

« Je ne crois pas en la chance »

- Propos recueillis par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr

CHARLES OLLIVON (capitaine de l’équipe de France) REVIENT POUR NOUS SUR LA TOURNÉE D’AUTOMNE DU XV DE FRANCE, LA « FARCE » ANGLAISE, LA PERFORMANC­E D’ANTHONY JELONCH À TWICKENHAM, LA MODE DU « PING PONG RUGBY » ET SON ATTACHEMEN­T VISCÉRAL AU RCT. C’EST À VOUS, CAPITAINE... La parenthèse automnale vient de se terminer. Que retenez-vous des cinq matchs disputés par l’équipe de France ces dernières semaines ?

Le bilan est largement positif. Quatre victoires en cinq matchs, une deuxième place à la Coupe d’automne des Nations : le contrat est rempli. Je n’oublie pas, non plus, que notre équipe a terminé le Tournoi des 6 Nations premier ex-aequo avec l’Angleterre. En ce sens, l’année 2020 fut pour nous magnifique.

Avant que le dernier Crunch ne débute à Twickenham, pensiezvou­s sincèremen­t que les supposées doublures du groupe France puissent réaliser un tel match en Angleterre ?

Bien sûr ! Déjà, quand on se trouve dans la position de « doublure », comme vous dîtes, on veut prouver sa valeur au coach et aux supporters. Et puis, la position d’outsider a toujours très bien convenu au XV de France. Je n’ai donc jamais pensé que l’équipe se ferait surclasser à Twickenham.

On vous suit…

Quand on défend le maillot tricolore, il n’y a aucune raison de faire des complexes ou de se rabaisser… Notre équipe est constellée de joueurs de très grande qualité.

De l’extérieur, comment avezvous vécu le fait que les Anglais aient comparé ce Crunch à une « farce », avant que le match ne débute ?

(il soupire) J’y ai à peine prêté attention… Cet hiver, avant qu’on affronte les Anglais dans le Tournoi des 6 Nations, ça racontait qu’on avait peu de sélection, qu’on était inexpérime­nté, qu’on se ferait manger… Au final, le score (24-17) leur avait déjà donné tort. Avec eux, c’est souvent la même chose, j’ai l’impression…

Êtes-vous d’accord avec notre chroniqueu­r Richard Dourthe, qui écrivait lundi dernier dans nos colonnes que les Anglais avaient été « prétentieu­x » ?

Oui. Ils ont été prétentieu­x, c’est évident. Pour autant, je pense que les Anglais seront dans un tout autre état d’esprit quand ils nous recevront à Twickenham, l’hiver prochain. Ils nous attaqueron­t pied au plancher.

Dimanche dernier, certaines décisions de M. Brace ont fait polémique. En tant que capitaine, que lui auriez-vous dit si vous aviez été sur la pelouse ?

Rien… Une fois que le match est terminé, vous savez… (il marque une pause) J’avais été assez agacé après notre défaite en Écosse, en mars dernier (28-17). J’en avais glissé un mot à l’arbitre. Mais dans ma position, je ne peux pas me permettre de perdre mes nerfs et faire n’importe quoi.

Comment avez-vous vécu la « mort subite » de dimanche ?

Pas très bien. J’avais envie de participer, d’aider les copains… Je savais que physiqueme­nt, ça devenait difficile…

Qu’avez-vous pensé de la performanc­e d’Anthony Jelonch en numéro 7 ? Pourrait-il vous mettre en danger ?

Ce genre de questions, vous pouvez les laisser tomber tout de suite… Ça ne marche pas dans notre équipe… Je suis très heureux pour Anthony, sa superbe prestation a aidé un groupe dont je fais partie. […] Je n’ai jamais eu de problème avec la concurrenc­e, que ce soit à Bayonne ou à Toulon.

Finalement, on se dit que la guerre LNR/FFR ayant précédé la parenthèse automnale fut une bonne chose, dans le sens où elle a obligé Fabien Galthié à puiser dans le réservoir français. Qu’en pensez-vous ?

Mouais… La guerre était-elle la solution ? Je ne crois pas… (il marque une pause) On ne nous a pas demandé notre avis, à nous les joueurs, sur cette situation. On a dû s’adapter aux règles du jeu, voilà tout. Mais le conflit dont vous parlez n’était pas une bonne chose, non. Il doit bien exister d’autres moyens d’arriver à un consensus.

Quel est le style de jeu de cette équipe de France ?

Les coachs nous demandent avant tout d’avoir des bases solides : une conquête irréprocha­ble et une bonne défense. Derrière ça, il y a beaucoup d’instinct, de créativité. On a du talent et surtout, on a le droit de s’affranchir de ce cadre de jeu ultra-précis.

De l’extérieur, on eut l’impression que les internatio­naux français étaient très frais, en tout cas plus frais que les années précédente­s. La coupure due à la crise sanitaire fut-elle bénéfique ?

Nos corps avaient besoin de couper, oui. Mais au-delà de la fraîcheur, je retiens surtout la déterminat­ion et la motivation des joueurs. C’est ce qui nous a portés, ne nous leurrons pas.

Ces dernières semaines, le jeu au pied a pris une part prépondéra­nte dans les performanc­es de la France, de l’Irlande ou de l’Angleterre. Est-ce propre au jeu moderne ?

Aujourd’hui, on dépense quasiment trois fois plus d’énergie en attaque qu’en défense. C’est un fait. Afin d’équilibrer ces dépenses énergétiqu­es, chaque équipe doit donc trouver son propre équilibre. Je pense qu’on a trouvé le nôtre.

Vous avez cette saison aplati sept essais sous les couleurs du XV de France. Est-ce la chance ou un certain sens du timing ?

La chance ? (rires) Je ne crois pas en la chance, moi. […] Il y a le travail des copains, le timing, l’instinct… Les choses viennent comme elles viennent, en fait…

Le capitanat des Bleus a-t-il changé quelque chose dans votre vie quotidienn­e ?

Fondamenta­lement, non. Mais bon…

Quoi ?

Il y a plus de sollicitat­ions qu’avant, c’est sûr. Je dois faire attention à ce qu’elles ne me bouffent pas.

Vous souvenez-vous du jour où Fabien Galthié vous a proposé de devenir capitaine du XV de France ?

Comment l’oublier ? C’était début janvier et j’étais à la maison. […] Fabien Galthié m’avait déjà appelé un mois plus tôt : on avait alors longuement échangé sur l’équipe de France, les motivation­s de chacun, les attentes et le groupe de leaders qu’il voulait mettre en place.

Et ?

Quelque temps plus tard, il m’a donc rappelé pour m’annoncer la bonne nouvelle. J’ai immédiatem­ent téléphoné à mes parents, à Saint-Pée-sur-Nivelle (Pyrénées-Atlantique­s). Je les ai sentis très très émus… C’était un grand moment, ouais…

L’équipe de France donne beaucoup de bonheur aux gens, depuis quelques mois. Le ressentez-vous ?

Oui. Nous recevons énormément de témoignage­s et ça fait chaud au coeur, franchemen­t… À l’heure où toutes les compétitio­ns amateurs sont encore à l’arrêt, on a aussi conscience d’être de vrais privilégié­s. Cet automne, nous voulions rendre hommage à tous ces gens. Car nous venons tous du rugby amateur.

Vous le premier ?

Oui. Au Pays basque, les choses sont claires : tu joues à la pelote basque l’été, au rugby l’hiver et c’est très bien comme ça. (rires) Moi, j’ai juste suivi mon frère à l’école de rugby de SaintPée et c’était naturel, quoi… Je n’oublie pas d’où je viens.

Vous avez passé plusieurs saisons à Bayonne, avant de signer au RCT. Pensez-vous qu’un Bayonnais, quand bien même soit-il le capitaine de l’équipe de France, est apprécié des

Biarrots ?

(il se marre) J’en suis sûr ! Je suis né à Bayonne et resterai toujours Bayonnais. Mais je défends la France entière, en portant ce maillot. Je ne doute donc pas que certains Biarrots m’apprécient un peu… Enfin, j’espère…

Finirez-vous votre carrière au Pays basque ?

Au fil des ans, je me suis rendu compte qu’on peut réfléchir à plein de choses mais qu’à la fin, c’est la vie qui décide pour toi…

Vous avez plutôt à l’air épanoui à Toulon. Qu’est-ce qui vous plaît, là-bas ?

Beaucoup de choses. Déjà, Toulon est un vrai club. L’attachemen­t qu’ont les gens d’ici à l’histoire du RCT me fout des frissons. Dans la rue, les mecs parlent encore des anciennes gloires, de Thierry Louvet, Eric Champ, Jérôme Gallion… En ce sens, pouvoir représente­r Toulon est une vraie fierté.

D’accord…

Toulon, c’est le Marseille du rugby. En ville, il y a des écussons et des fanions du club partout. Tout tourne autour du RCT et j’adore ce genre d’ambiance. Il y a une âme, quoi…

Vous êtes sous contrat au RCT jusqu’en 2024. Irez-vous jusqu’au bout ?

Bien évidemment. Au fond de moi, je n’oublie pas que ce club m’a fait confiance à l’époque où la vie était pour moi bien plus compliquée qu’elle ne l’est aujourd’hui (de 2017 à 2019, il dut mettre sa carrière entre parenthèse­s en raison d’une lourde blessure à l’omoplate, N.D.L.R.). […] Je veux désormais aider le RCT à remporter des titres et plus tard, encadrer les jeunes qui sortiront du nouveau centre de formation.

Aux pires heures de votre carrière, avez-vous songé à tout arrêter ?

Non. J’ai toujours cru en moi, sinon je ne serais jamais sorti du tunnel dans lequel j’étais. Mais si en 2017, on m’avait dit que je serais trois ans plus tard le capitaine d’une équipe de France qui gagne, je ne l’aurais peut-être pas cru…

« À l’heure où toutes les compétitio­ns amateurs sont encore à l’arrêt, on a aussi conscience d’être de vrais privilégié­s. Cet automne, nous voulions rendre hommage à tous ces gens.

Car nous venons tous du rugby amateur. »

 ??  ??
 ??  ?? Chales Ollivon en Bleu et sous les couleurs de Toulon. PhotosIcon Sport
Chales Ollivon en Bleu et sous les couleurs de Toulon. PhotosIcon Sport

Newspapers in French

Newspapers from France