LE REGARD ACÉRÉ DE DAN TUOHY
DAN TUOHY - ANCIEN DEUXIÈME LIGNE DU XV D’IRLANDE IL A DÛ ARRÊTER SA CARRIÈRE APRÈS UNE VILAINE BLESSURE À UN BRAS. IL A DONNÉ UN AVIS SUR SON SPORT, SANS LANGUE DE BOIS AVEC LUCIDITÉ.
Dan Tuohy aura fait une solide carrière onze sélections avec l’Irlande entre 2010 et 2 015. Ce deuxième ligne anglo-irlandais a défendu pendant sept années les couleurs de l’Ulster (136 matchs, et une finale de Coupe d’Europe en 2012). Il a même joué en France, à Vannes depuis 2018 et brièvement au Stade Français au printemps de la même année. Dan Tuohy était encore en Bretagne au début de la saison, avant d’annoncer la fin de sa carrière fin février à 34 ans. Sa blessure à un avant-bras, fracture de l’humérus, était devenue trop préoccupante. Dan Tuohy illustre bien les évolutions du rugby des années 2010-2020, toujours plus physique, toujours plus traumatisant, toujours plus soumis à l’exigence des joueurs majeurs. Il a donné un entretien assez fort à la BBC radio de l’Ulster. Il y décrit un quotidien devenu difficile. Opéré en septembre, il n’a plus ressenti de sensations au niveau de son poignet gauche, et de sa main jusqu’à noël. « Les choses se sont améliorées depuis et j’espère bien retrouver toutes mes fonctions dans le futur, mais je me suis senti vraiment handicapé. Pour l’instant, j’ai du mal à manger correctement. J’ai eu des gros problèmes pour tenir une fourchette et couper ma nourriture et j’ai aussi eu des gros problèmes pour me raser. »
LA RFU DONNE-T-ELLE TROP AUX INTERNATIONAUX ?
Même si sa situation n’est pas spécialement réjouissante, le joueur espère bien retrouver des jours meilleurs. « J’ai vu des gens vivre des choses plus graves que moi, alors j’estime que je ne m’en sors pas si mal. » Mais Dan Tuohy est allé plus loin dans ses considérations. Dans le tweet qui annonçait la fin de sa carrière, il disait même que le rugby était désormais « pourri de l’intérieur ». Il s’est expliqué sur cette phrase choc. Elle se référait à la récente décision de la Fédération anglaise de couper ses subventions aux clubs de deuxième division. Une décision qui a fait du bruit outre-Manche, dans la mesure où ces clubs, qui sont professionnels, ne partagent pas de droits télévisés avec les équipes du Premiership (c’est une différence majeure avec la France).
Dan Tuohy a joué avec l’Irlande mais il a grandi dans la région du Somerset, la région de Bath, dans l’ouest de l’Angleterre. Il a été formé à Weston super Mare, un club amateur assez connu dans la région (dix internationaux fournis à l’Angleterre, au pays de Galles, à l’Irlande et à l’Écosse). Il a connu la deuxième division anglaise avec Exeter à ses débuts, puis avec Bristol dix ans plus tard. Il s’est expliqué : « On commence à se rendre compte que le rugby s’occupe surtout du sommet de la pyramide et ne fait plus grand-chose pour ce qui se passe en dessous.
On dit que les joueurs du XV de la Rose touchent 25 000 livres par match qu’ils perdent, qu’ils gagnent ou qu’ils fassent match nul. Bravo à eux, ils ont su bien négocier. Mais si ça doit laisser la fédération à court d’argent pour les autres championnats, je ne trouve pas ça juste. Il ne faut pas oublier que cinquante pour cent des internationaux actuels ont fait leurs armes à ce niveau. » L’ancien deuxième ligne du XV du Trèfle a aussi porté un regard distancié sur sa carrière : « Honnêteté et loyauté sont des idées du passé. Même le fait de regarder quelqu’un droit dans les yeux n’est plus d’actualité. Comme joueur professionnel, vous êtes bien payé, mais je l’avoue j’ai été par moments fatigué de voir les grands discours de présaison sur l’honnêteté et le respect à ce point démentis, parfois dans la foulée, par les mêmes qui les brandissaient… Mais j’ai voyagé à travers le monde, j’ai rencontré des gens formidables qui sont devenus des amis pour la vie et j’ai des souvenirs qu’on ne pourra jamais m’enlever, c’est tout ce qui compte. » ■