« C’est un peu mon France - Angleterre du Top 14 »
SIMON GILLHAM - Président de Brive LE DIRIGEANT ANGLAIS SE CONFIE SUR L’IMPORTANCE DE CE CHOC DU MAINTIEN, SON ATTACHE À AGEN, SA PASSION POUR LE CABCL ET TOUS LES PROJETS ENTREPRIS POUR PÉRENNISER L’ÉTONNANT PROMU, PREMIER DE LA SECONDE PARTIE DU CHAMPIO
« Même si la passion est encore présente, il faut savoir passer la main. Il est prévu que je m’arrête en 2023. »
Simon GILLHAM Président de Brive
Comment Je vais bien. se Je porte vois le que président deux championnats de Brive ? se dessinent : un avec huit équipes qui se battent pour six places, un autre avec six équipes qui luttent pour éviter deux places. Pour l’heure, Brive est premier du second championnat. Si nous parvenons à rester au neuvième rang, je serai le plus heureux des présidents. À ce sujet, la venue d’Agen est importantissime… Avec quel état d’esprit abordez-vous l’échéance ? Déjà, c’est un crève-coeur personnel de jouer un match aussi crucial face à Agen. Un de mes fils y est né et j’ai de la famille dans le Lot-et-Garonne. C’est un peu mon France-Angleterre du Top 14. À côté de ça, j’aime vraiment ce club qui nous ressemble. Pour en revenir au match, il faut le gagner, impérativement. C’est une rencontre à très haute tension. L’enjeu est critique. Je sais que j’aurai un noeud au ventre pendant quatre-vingts minutes. Ça va être affreux. Est-ce que vous vivez toutes les rencontres ainsi ? Oui et c’est terrible, vraiment, pour la santé. Et à la fois euphorisant, d’un autre côté. C’est une charge de stress incomparable. Après, ce qui est marrant, c’est à quel point l’on peut passer de héros à zéro en un rien de temps. L’autre jour, contre Pau, tout le monde me tapait dans le dos en me disant
« bravo », « votre travail est formidable ». Mais s’il n’y avait pas eu ces deux essais quelque peu chanceux à la fin, j’aurais plutôt pris des tapes au visage… Même après quatorze années comme dirigeant, vous êtes donc toujours aussi « mordu » ? Je dirais même que c’est de plus en plus fort. Je suis arrivé à Brive en 2006. J’étais heureux à l’époque car je rejoignais un grand club et un copain, Daniel Derichebourg. Mais plus le temps passe, plus je suis attaché au club. Quand je regarde la joie des gens au bord de la pelouse, c’est juste fabuleux. C’est ce qui est le plus fort. C’est ce qui me motive le plus à continuer, ce qui renforce ma passion. Quand les Corréziens ont appris à te connaître, ils sont en plus très affectifs. Je ne me sens pas français mais je suis briviste. Le risque de lassitude existe-t-il avec le temps ? Même si la passion est encore présente, il faut savoir passer la main au bon moment. Il est prévu que je m’arrête en 2023, c’est programmé. Je suis très soucieux de transmettre le club dans les meilleures conditions. Les trois ans à venir vont être très importants pour préparer ce changement de génération, des sexagénaires aux quiquagénaires si l’on peut dire. En parlant de président qui s’en va, quel est votre regard sur Mourad Boudjellal ? Mourad a été un président important qui a su faire bouger les lignes et a apporté des trophées qui manquaient depuis longtemps à Toulon. Je retiendrai aussi son humour. Il y a deux ans, après une défaite, il s’était plaint que notre pelouse était de niveau Fédérale 2. Quand nous sommes remontés, l’année dernière, il m’a envoyé un texto : « On va être obligés de rejouer sur
votre terrain pourri. » Je lui ai répondu que nous étions depuis passés à l’hybride… Tout le monde le voyait comme une grande gueule mais c’est aussi un personnage agréable. Je suis sûr qu’il va encore réaliser de grandes choses. Êtes-vous interpellé par l’anonymat dans lequel s’est déroulé son départ ? On pense tous que l’on est plus ou moins indispensables. Mais il faut rappeler que les clubs n’appartiennent à personne : ni aux présidents, ni aux entraîneurs, ni aux joueurs. Nous ne sommes que de passage : nous empruntons le maillot et essayons de le rendre dans un meilleur état qu’avant, c’est tout. Dans quarante ans, quand sera écrit le livre des 150 ans de Brive, ce que nous avons accompli ne sera qu’un chapitre parmi d’autres. Il faut savoir rester à sa place. Personne ne doit prendre plus qu’il ne donne. Ces genslà, en tout cas, je n’en veux pas au
CABCL. Revenons-en à votre club, justement. Comment expliquez-vous sa belle forme actuelle ? Notre réussite part de deux hommes :
Xavier Ric et Jeremy Davidson. Ce sont les deux poutres du club. On ne peut pas les dissocier, d’ailleurs : c’est comme
Lennon et Mc Cartney. Tous deux ont impulsé une nouvelle dynamique. Xavier a su fédérer autour, au point que nous avons été élus meilleur public de France. Jeremy a de son côté apporté une rigueur maximale et son sens du travail au groupe. Il est une clé de voûte pour le projet. C’est pourquoi son contrat a récemment été prolongé jusqu’en 2024. En dehors, aussi, le club se structure… À quel point était-ce devenu important ? Ces évolutions sont indispensables pour le développement du club. Il y a eu les deux nouvelles pelouses qui sont déterminantes car elles ont permis d’améliorer notre jeu et le spectacle. Nous avions d’ailleurs beaucoup été critiqués par le passé pour l’état de notre terrain. Le centre d’entraînement est en train d’être construit aussi. La pérennisation se joue à tous les niveaux, à l’école de rugby comme avec les féminines. Philippe Carbonneau, Goderzi Shvelidze, Sébastien Bonnet : tous ces hommes jouent un rôle clé. Je ne devrais peut-être pas dire ça mais que l’on soit en Top 14 ou en Pro D2, notre travail ne change pas tant que ça. C’est un cliché mais aussi une réalité : notre réussite passe donc par un gros travail collectif et beaucoup d’efforts. Le CABCL a le treizième budget de l’élite et n’aura jamais les moyens de Clermont ou de Montpellier. Nous boxons au-dessus de notre catégorie. Sur le recrutement aussi, vous vous distinguez en ciblant des jeunes et des potentiels sous-exploités. Estce un parti pris ? Notre pari est de faire confiance aux jeunes, effectivement. Ce qui est intéressant avec ces profils, c’est leur marge de progression. Guillaume Galletier et Joris Jurand s’inscrivent dans cette démarche. Il y a aussi nos jeunes du centre de formation comme Maxence Darthou, sélectionné cette semaine, ou Enzo Hervé. Nous sommes d’un côté contraints de leur donner du temps de jeu pour les attirer puis les conserver. Un joueur comme Demba Bamba aurait pu nous quitter bien avant sinon. Je ne suis pas sûr que Simon-Pierre Chauvac pourrait avoir autant de minutes ailleurs. C’est tendance de miser sur la jeunesse mais à côté de ça, il faut des papas pour encadrer et inculquer les valeurs. Nos capitaines et vice-capitaines sont exemplaires à ce niveau, à commencer par Saïd Hirèche. Cette identité est importante. C’est d’ailleurs pourquoi Saïd va rester encore un an puis intégrera le staff en suivant. En parlant de l’encadrement, où en est le dossier Marc Dal Maso, en fin de contrat ?
Il y a la volonté de le conserver. C’est en discussions. Je ne peux en dire plus. Avez-vous conscience que Brive change d’image : avant, il y avait l’étiquette d’équipe rugueuse… (Il coupe) Oui, je vois de quoi vous voulez parler : un gros pack et Gaëtan Germain. C’est le souhait de Jeremy Davidson là aussi de jouer avec plus de vitesse et de promouvoir un jeu debout. Mais notre paquet d’avants reste solide. Merci à Marc Dal Maso d’ailleurs. Quant à Jean-Baptiste Péjoine, il grandit tous les jours comme entraîneur des trois-quarts comme on peut le voir en match. Ce jeu rapide plaît aux supporters, je le constate. Après, pour l’image, du moment que l’on parle de Brive, je suis heureux. ■