« BASTA » - SEXTON, LE RENDEZ-VOUS
SI MATHIEU BASTAREAUD A PRIS L’HABITUDE DE SE TROUVER SOUS LE FEU DES CRITIQUES, C’EST BEAUCOUP MOINS LE CAS DE JONNY SEXTON, CIBLÉ PAR LES OBSERVATEURS DE SON PAYS. LEURS RETROUVAILLES S’ANNONCENT EXPLOSIVES…
Dix ans. Dix ans déjà qu’à chaque composition d’équipe du XV de France, le nom de Mathieu Bastareaud suscite la controverse, qu’il figure parmi le XV de départ ou pas. En l’espèce, si certains attendaient le retour de Wesley Fofana pour une association avec Gaël Fickou en Irlande, ils en sont pour leurs frais. « J’ai appris à vivre avec, ça ne m’empêche pas de dormir »,
philosophait le Toulonnais au sujet de ces incessants va-et-vient sous le maillot bleu. Une « zénitude » qui doit beaucoup à l’habitude, que Bastareaud ne partage assurément pas avec Jonathan Sexton. Élu meilleur joueur du monde par World Rugby en 2018 après la fantastique année du XV du trèfle, l’ouvreur irlandais cristallise les critiques au sein de son pays en ce début de Tournoi. Dominé par Farrell en ouverture de la compétition, visé puis sonné par le compte par les Écossais (face à qui son remplaçant Carbery fut l’artisan de la victoire), Sexton a réalisé un match très moyen en Italie au point de quitter le terrain à une quinzaine de minutes du coup de sifflet final, avec un geste d’humeur capté par les caméras qui en disait long sur sa frustration. Pas de quoi remettre en question la confiance aveugle que place en lui son entraîneur Joe Schmidt, bien sûr, et probablement de quoi piquer son instinct de compétiteur. Reste que le climat « inconfortable » dans lequel évoluera Sexton ce dimanche constituera une petite première en dix ans de carrière, et vaudra forcément le coup d’oeil…
Pourquoi ? Tout simplement parce que ses face-à-face avec Mathieu Bastareaud ont toujours été riches en petites histoires, et qu’il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement dimanche à l’Aviva Stadium. Au vrai, ce duel fait d’ores et déjà figure de « classique » du Tournoi, même si les deux hommes ne se sont croisés qu’à quatre reprises. Sachant en outre que lors de la première en 2010, Sexton n’était que remplaçant de Ronan O’Gara tandis que Bastareaud incarnait l’arme absolue du XV de France, qui avait ce jour-là renversé la légende Brian O’Driscoll pour offrir d’un offload main gauche l’essai du grand chelem à Clément Poitrenaud…
2014-2015, COMBINAISONS CONTRE COMMOTIONS
Pour le « vrai » début de l’histoire ? Il faut remonter au France-Irlande de 2014. Auteur d’un doublé décisif dans la victoire de l’Irlande à Saint-Denis (20-22), Jonny Sexton s’était même permis d’inscrire son premier essai en prenant l’intérieur de Mathieu Bastareaud. Mais surtout, ce qui avait marqué ce jour-là, c’est la méthode avec laquelle les Irlandais déjà entraînés par Joe Schmidt avaient attaqué la zone de « Basta » avec Sexton et O’Driscoll à la baguette, au point de provoquer un essai de tableau noir inscrit par Trimble. Une démonstration terminée brutalement à la 69e lorsque, sur une énième charge dévastatrice dans la zone de l’ouvreur adverse, Bastareaud sonna Sexton (avec une charge « limite » coude en avant, qui vaudrait probablement un carton jaune aujourd’hui), au point de l’obliger à quitter le terrain. Tellement impressionnant qu’en 2015, à Dublin, Bastareaud fut titularisé par SaintAndré avec pour mission « officielle » de viser l’ouvreur adverse. Ce à quoi il parvint puisque, sur un plaquage, un choc tête contre tête provoqua une nouvelle commotion pour Jonny Sexton, cette fois obligé de quitter le terrain pour un protocole (45e-55e). Insuffisant là encore pour empêcher l’Irlandais de peser sur la fin de match, nouvelle défaite française à la clé (18-11). Mais juste assez pour créer un parfait contentieux avant le match de poule de la Coupe du monde 2015, avec des « stratégies » inchangées de part et d’autre. Sauf que, si Sexton fut encore contraint de quitter le terrain (cette fois pour ne s’être jamais remis d’un gros plaquage de Picamoles), les Irlandais menés par un Madigan en état de grâce rendirent on ne peut mieux la pareille, en ciblant une nouvelle fois la zone de Bastareaud. C’est ainsi qu’après une première attaque qui serait allée à dame sans un en-avant de Earls sans opposition, c’est un autre lancement bonifié par Henshaw et conclu par Kearney qui permit aux Irlandais de l’emporter largement (24-9). Comme un symbole, SaintAndré choisit ce jour-là de faire quitter le terrain à Basa dès la 62e minute de jeu…
L’INTERVALLE NTAMACK-BASTAREAUD CIBLÉ PAR LES VERTS ?
Alors, qu’attendre de ce cinquième volet du match Sexton-Bastareaud ? Rien moins que ce qui s’est déjà écrit, à savoir un centre français qui viendra défier frontalement Sexton en espérant l’épuiser et lui faire perdre sa lucidité, tandis que l’ouvreur irlandais cherchera à trouver le bon lancement au bon moment pour exploiter la zone du centre français (très probablement dans sa connexion avec son ouvreur Romain Ntamack). Le but de la manoeuvre consistant à isoler et « arrêter » Bastareaud, afin de miser sur son manque de vivacité pour le prendre à contre-pied, ainsi que les Verts y sont déjà si bien parvenus voilà quatre ans. Et pour ce faire, on ne serait guère étonné que Joe Schmidt ressorte de son chapeau quelques lancements à base de passes redoublées, pratiquement inutilisés depuis le début de ce Tournoi, que Mathieu Bastareaud craint particulièrement…