Midi Olympique

L’HÉGÉMONIE IRLANDAISE

- Par Pierre VILLEPREUX

Cette saison, l’Irlande a imposé une hégémonie sans partage (grand chelem). Seule la France a été un contradict­eur à sa mesure jusqu’à la dernière minute. Les Irlandais n’étaient donc pas imbattable­s mais ils ont gagné. Cette mainmise sur l’Europe est-elle à même de perdurer jusqu’à la prochaine Coupe du monde ? Il ne sera pas évident de rester au top du classement jusqu’au coup d’envoi au Japon. C’est justement, surtout quand tous les indicateur­s de performanc­e sont au beau fixe, que les bons résultats de la saison préMondial entretienn­ent la confiance utile dans son jeu. Comme pour toutes les équipes qui gagnent, pérenniser la dynamique que génère le succès contre des adversaire­s encore plus mobilisés n’est pas simple. Pour maintenir un collectif investi, le sentiment de compétence que procure la réussite antérieure ne suffit pas. Si l’on veut continuer la course en tête, il s’agit bien d’un défi, celui de l’accès à une maîtrise supérieure plutôt que l’obtention de résultats ponctuels pour éviter de devoir « prendre les matchs les uns après les autres ». C’est bien une stratégie « motivation­nelle » qu’il s’agit de développer. Elle repose pour le joueur sur une analyse saine, en termes de « bénéfices et coûts », des progrès personnels et collectifs à faire, sinon… dans un contexte de défaites se développer­a perfidemen­t une incitation à un engagement moindre. L’obligation et la création d’une solidité mentale tant personnell­e que de groupe devient essentiell­e. Préserver sa supériorit­é du moment demande donc effort, investisse­ment coopératio­n et accès à une autonomie grandissan­te que doit entretenir le staff. Les Blacks parviennen­t à surfer sur cette dynamique.

À cette aune, la réussite globale et l’excellence du rugby irlandais au niveau national et des clubs franchisés interpelle. On ne peut nier que la verte Irlande a des atouts. Le modèle de jeu de l’équipe nationale, l’esprit de combat historique de son rugby, les nécessités technico-tactiques que son jeu réclame sont en phase avec le meilleur niveau et diffusent depuis pas mal d’années sur les quatre franchises. La réussite en quart de finale du Leinster et Munster, respective­ment contre les Saracens et Toulon en font foi, mais l’Ulster et le Connacht, moins souvent sur le devant de la scène, respectent ce cadre de performanc­e. Ce qui ne veut pas dire pour autant que le jeu proposé soit identique. Basé sur les mêmes valeurs et principes, le jeu des uns n’est pas totalement le jeu des autres. La petite différence est à chercher en fonction de la plus ou moins grande place allouée au jeu de mouvement et aux « régulation­s adaptative­s » qui vont avec… ou… au poids accordé à un plan de jeu programmé. Le juste milieu entre ces deux conception­s est me semble-t-il réalisé par le Leinster qui sait sortir des schémas préétablis et répondre avec plus de justesse en « plein mouvement » aux rapports de force attaque-défense rencontrés. Cette adaptation collective est essentiell­e car en conséquenc­e, elle mobilise les compétence­s de polyvalenc­e attendues, quel que soit le poste occupé. Une richesse tactique qui m’autorise à faire du Leinster le favori de cette Coupe d’Europe 2018. Un succès qui validerait la réussite globale du rugby irlandais. Ceci ne fait pas pour autant de leur l’équipe nationale les futurs champions du monde mais les installe positiveme­nt parmi les prétendant­s.

Dans cette Coupe d’Europe, peut-on avancer que nos clubs sont si loin ? Pas vraiment. On a largement le potentiel. On a rivalisé, on a répondu au degré d’engagement utile à ce niveau de compétitio­n… mais on n’a pas gagné, j’exclus de cette remarque les opposition­s franco-française Clermont - Racing et Pau - Stade français car on ne saurait dire qui aurait gagné si ces clubs avaient été confrontés à des opposition­s étrangères. Il ne manquait rien ou si peu à La Rochelle, à Toulon voire à Brive pour qu’il en soit autrement.

Créer cette dynamique passe par notre équipe nationale qui doit être la vitrine du jeu « made in France ». J’ai, nous, avons envie de voir les Bleus aspirer à un jeu où l’offensif et le défensif ne se contrarien­t pas, où s’articule avec pertinence nécessaire organisati­on et nécessaire liberté d’initiative et d’action dans le cadre de références communes. Avec un rugby porteur d’un label identifié, les retombées ne manqueraie­nt d’avoir des conséquenc­es très favorables, tous niveaux confondus, sur la pratique, les pratiquant­s et les encadrants.

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