À LA FINESSE DES POIGNETS
SI ON PEUT DÉPLORER UNE ÉNORME DIFFÉRENCE DANS LA GESTION DES SURNOMBRES ENTRE HÉMISPHÈRES NORD ET SUD, LA PREMIÈRE CAUSE SEMBLE RÉSIDER DANS LE CHOIX DE LA TECHNIQUE DE PASSE, ÉTROITEMENT LIÉ À LA VOLONTÉ DES SUDISTES DE NE JAMAIS SAUTER LEURS PARTENAIRE
C’est un constat qui nous a frappé, au hasard des divers quarts de finale de Coupe d’Europe la semaine dernière. Celui du nombre de surnombres (pardonnez l’expression) mal joués, pour ne pas dire vendangés. La raison ? « Elle est que, face aux systèmes de défenses modernes qui privilégient une défense très agressive et serrée autour des phases de ruck, les espaces pour l’attaque se situent souvent sur les extérieurs, nous suggérait voilà quelques semaines l’entraîneur toulousain Ugo Mola. Mais le jeu va aujourd’hui tellement vite que, dans le feu de l’action, les joueurs ont parfois tendance à envoyer le plus vite possible sur les extérieurs, par le biais de passes sautées. Or, pour que cela soit efficace, cela nécessite une précision technique qui n’est souvent pas au rendez-vous, avec des passes trop flottantes, trop hautes, oui qui obligent le réceptionneur à ralentir sa course. Et surtout, dans 90 % des cas, il s’agit d’un mauvais choix… » Pourquoi ? Parce que la décision de sauter un partenaire rend de fait celui-ci inutile, permet à la défense de glisser facilement durant le temps de suspension du ballon et, in fine, d’annihiler le surnombre. Sans parler des cas de défenses inversées qui peuvent voir le réceptionneur se faire découper au moment où il reçoit le ballon, ou pire, la passe carrément interceptée. 95 % des interceptions et autres « cartouches » permises par des défenses en pointe étant réalisées sur des passes sautées…
TECHNIQUE INDIVIDUELLE DES AVANTS
En parallèle ? Il est frappant de voir comment, de l’autre côté de l’Équateur, les provinces du Sud ont quasiment rayé ces passes sautées de leur vocabulaire. Les exceptions ne résidant en effet que sur les lancements de jeu ou dans les « zones de marque », à quelques mètres de la ligne d’en-but, pour servir un ailier démarqué. Mais sur toutes les autres portions du terrain et dans toutes les autres situations, la sautée semble belle et bien ringardisée. « C’est d’abord vrai parce que les cellules en leurres devant le ballon sont généralisées, et parfois même réalisés sur la deuxième ou la troisième passe, comme à XIII, soulignait récemment l’entraîneur du RCT Fabien Galthié. Mais surtout parce que dans le Super Rugby, la technique individuelle des avants est telle qu’il n’y a aucun intérêt à effectuer de passes sautées. En Europe, les Gallois ont aussi procédé à cette mutation, qui leur a permis de franchir un cap dans l’animation large-large. Face aux défenses agressives, attaquer de manière classique, sans jamais sauter un joueur, demeure la meilleure manière de faire peser de l’incertitude et de les obliger à ralentir. À condition que les attaquants parviennent à prendre une profondeur supplémentaire, ce à quoi servent notamment les cellules d’avants en milieu de terrain. » Corollaire direct ? Hormis sur les transmissions « 9-10 », les longues passes vissées se retrouvent pratiquement bannies de l’arsenal offensif des attaquants du Sud, ou du moins très peu utilisées. Les « passes au poignet » classiques (coude relevé, mains ouvertes) retrouvant quant à elles toute leur utilité dans le jeu de ligne, ces dernières présentant l’avantage d’un temps de manipulation plus rapide. Et donc d’accélérer suffisamment les transmissions pour échapper aux éventuelles montées en pointe…