POUR CASSER LA SPIRALE NÉGATIVE
« Notre système de formation, tant scolaire que sportif, nous a structurés sur la valorisation des bonnes réponses et beaucoup moins sur le pouvoir formateur des erreurs »
Àce jour, après sept journées de Top 14 -compétition exigeante et contraignante au plan des résultatsla situation comptable des clubs en bas de tableau peut sembler plutôt préoccupante. En effet, comment espérer retrouver de la confiance et gagner quand on perd régulièrement ? Pour ne pas être en butée avec les effets de ces mauvais résultats récurrents, fautil encore qu’il existe au sein du groupe une culture collective qui appelle, sans traîner des pieds, de vouloir gagner tous ensemble pour rendre possible le redressement attendu (le fameux « fighting spirit » des Irlandais). Prôner la culture de la gagne quand on n’a pas, en même temps, la maîtrise de la culture de la défaite relève d’une gageure. Il s’agit bien d’une authentique formation qui doit se faire bien en amont, si on veut avoir les joueurs capables de rentrer sans arrière-pensée dans ce processus, donc à même de prendre du recul sur les vraies raisons des difficultés rencontrées et d’y apporter, au sein du groupe, des éléments de réponses. Notre système de formation, tant scolaire que sportif, nous a structurés sur la valorisation des bonnes réponses et beaucoup moins sur le pouvoir formateur des erreurs qui conduisent aux mauvais résultats. De fait, éducateurs, entraîneurs et joueurs acceptent avec réticence, vivent mal les remises en cause avec comme conséquence l’inacceptation de l’insuccès et l’augmentation du ressenti de culpabilité qu’il génère. Quand s’enclenche « la spirale défaites », c’est tout une ambiance qui est touchée et, directement, ce qui est fondamental : le plaisir pris et la prise de risque pour « oser et entreprendre ». Alors, il reste à faire jouer la fibre émotionnelle via les sacro-saintes valeurs de notre jeu, s’appuyer sur l’histoire du club, ou jouer sur le sentiment d’appartenance et de fierté. Dans la conjoncture actuelle du rugby professionnel, avec des effectifs multiculturels dans tous les clubs, il n’est pas simple de donner un sens commun à ces propositions de solutions. C’est encore plus sensible quand on est confronté à une disette de résultats. Soudainement, les blessures surgissent. C’est un difficile challenge qu’il faut relever quand s’insinue sournoisement le doute. Fédérer tout le monde, ceux qui jouent et les autres, en maîtrisant les résistances, les inerties culturelles et, contrainte supplémentaire, le désordre du langage qui va avec. Intrinsèquement, c’est tout l’équilibre fonctionnel du club qui est touché. D’abord la synergie des acteurs de terrain. Et, derrière, le cercle des gouvernants que la situation d’urgence fait davantage intervenir, posant ipso facto le problème du mode de la conduite de l’équipe et du crédit à accorder dans la continuité au staff en place. C’est un climat peu propice pour instaurer la confiance qui, progressivement, risque de s’étioler. Les grandes écuries, bon an mal an,finissent par y échapper. Non seulement leur potentiel le leur permet, mais elles comptent de vrais leaders de jeu, joueurs de haut niveau, qui présentent des compétences adaptées à l’environnement. Ces joueurs sont beaucoup plus à même de résister à la pression ambiante. Dans la difficulté, ils sont capables de fédérer autour d’eux, et de créer un lien fort avec ceux qu’ils sentent « armés » pour se surpasser dans le contexte du moment. Ils sont, tout autant que le staff, à même de dynamiser et re-solliciter l’énergie et l’enthousiasme que les effets souterrains du doute ont momentanément inhibés.
À ce jour pour les clubs les plus touchés, il n’existe pas de remèdes, ni d’alchimie stratégique miracle pour changer la donne. Ces clubs ne sont pas si loin des meilleurs. Quand on est en situation d’échecs, il ne s’agit plus de s’enfermer à « ruminer et gamberger » les pensées négatives voire même dévalorisantes qui peuvent vous assaillir avant et pendant le match mais bel et bien de faire parler ses tripes, d’affirmer ses convictions profondes -celles qui viennent de soi-mêmeet de les mettre à la disposition du collectif. C’est un préalable incontournable pour que le jeu recherché finisse par devenir réalité et qu’il gagne enfin.