Midi Olympique

« J’ai appris le rugby sur Subbuteo… »

L’ANCIEN MUNSTERMAN EST LA RECRUE PHARE DU RACING. AVANT DE DISPUTER SON PREMIER MATCH DE TOP 14, LE GÉANT VERT (33 ANS) SE RACONTE.

- Propos recueillis par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr

Vous avez battu les All Blacks à Chicago, gagné la Coupe d’Europe en 2008, la Ligue celte à deux reprises et êtes pourtant méconnu du grand public. Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis originaire de Nenagh, un petit village du comté de Tipperary. J’ai débuté le rugby relativeme­nt tard, à 17 ans et demi. Avant ça, je pratiquais le hurling, un sport traditionn­el irlandais.

Comment êtes-vous arrivé au rugby, alors ?

Le jour où l’on m’a dit que j’étais trop maigre pour intégrer l’équipe juniors du comté, j’ai accusé le coup et, une semaine plus tard, je suis tombé sur un match de Coupe d’Europe entre les Saracens et le Munster, à la télé. J’ai vu ces gros types se rentrer dedans et ça m’a interpellé. […] Je ne connaissai­s rien du rugby. Mes parents non plus, d’ailleurs. Cet après-midi-là, Ronan (O’Gara) a passé une pénalité de 45 mètres et propulsé le pays dans une liesse incroyable. J’ai dit : « Je veux faire ça, papa ! Le rugby me fera grossir ! »

Et après ?

Il a d’abord fallu qu’un villageois (Pat Whelan, ancien talonneur de l’équipe d’Irlande et du Munster) m’explique les règles. Tous les soirs, il passait donc à la maison avec, sous le bras, un Subbuteo (jeu de plateau simulant une partie de foot ou de rugby). Pendant deux heures, il m’expliquait tout. Pat disait que j’allais intégrer l’équipe des moins de 18 ans du Munster.

Vous l’avez fait ?

Oui, mais ça n’a pas été facile. Le jour du stage de détection, qui commençait à 11 h 30 précises, j’ai raté le bus du matin. J’ai alors dit à mon père : « Ce n’est pas grave, papa. Je retourne au hurling. De toute façon, je ne comprends rien au rugby. » Il a d’abord accepté ma décision. Mais à 10 h 15, il s’est soudaineme­nt réveillé, m’a pris par la main et m’a mis dans la voiture. Il y a 140 kilomètres entre Nenagh et Cork, sur des routes parfois très mauvaises. Ce jour-là, mon père n’a probableme­nt pas respecté toutes les limitation­s de vitesse. Mais je suis arrivé à l’heure, avec sur le dos un maillot de Manchester United pour être aussi rouge que les autres ! (rires)

Et vous avez été pris…

Oui. J’ai appris pourquoi des années plus tard. Avant le stage, Pat (Whelan) avait dit aux recruteurs de la province que s’ils ne me prenaient pas, il quittait le club ! (rires) Il a bien fait. J’ai quand même passé treize ans au Munster.

Qu’aimiez-vous tant dans le hurling ?

C’est le sport le plus rapide au monde. Le hurling est un sport d’évitement, qui se dispute à 15 contre 15 sur un terrain beaucoup plus vaste qu’un terrain de rugby, et où chaque coup de crosse te vaut des dents cassées, un nez fracturé, des tibias brisés… Quand je suis arrivé au rugby, je ne savais donc pas du tout plaquer. Au Munster, on m’a pourtant placé en troisième ligne. Devant moi, j’avais en effet deux monstres : Donnacha O’Callaghan et Paul O’Connell. Donnacha (39 ans) continue d’ailleurs à jouer. Il est même le capitaine de Worcester (Premiershi­p). Avec eux, j’ai été à bonne école.

Maintenant que vous jouez pour le Racing, votre aventure avec l’équipe d’Irlande (47 sélections) est-elle terminée ?

Je ne sais pas. Posez la question à Joe Schmidt ! (rires)

Comment se passent vos premiers pas à Paris ?

Cette ville est juste incroyable. J’ai assisté à l’arrivée du Tour de France sur les Champs-Elysées et, de façon générale, les locaux m’ont très bien accueilli. Un jour où j’allais faire du shopping, j’avais oublié de prendre un ticket au parcmètre. À mon retour à la voiture, quelqu’un avait pourtant posé le sien sur mon pare-brise. J’étais choqué par tant d’amour ! Merci à mon sauveur ! (rires)

Vous avez souvent affronté des équipes de Top 14, au cours de votre carrière. Quelle est selon vous la différence entre le championna­t de France et la Ligue celte ?

Les joueurs sont beaucoup plus denses en France. Quand nous affrontion­s les équipes de Top 14, nous cherchions donc à éviter les collisions et contourner leurs paquets d’avants. Parfois, ça marchait. Parfois moins…

Vous faisiez partie, l’an passé, de l’équipe du Munster endeuillée par la disparitio­n d’Anthony Foley. Que vous reste-t-il de ce triste jour ?

Anthony était plus qu’un ami. Il avait été mon capitaine au Munster, mon coach, mon voisin. Il m’emmenait souvent à l’entraîneme­nt, je connaissai­s très bien son épouse et ses deux enfants. Ce jour-là (16 octobre 2016), à Suresnes, nous ne préparions à affronter le Racing. En fin de matinée, il était convenu que l’on se retrouve sur le parking afin de répéter les touches. La conquête aérienne, c’était le dada d’Anthony. Quand j’ai vu qu’il n’arrivait pas, j’ai dit à Jerry Flannery (entraîneur des avants) : « Il y a un souci ? Son réveil n’a pas fonctionné ? » Jerry n’en savait rien. On a terminé la session, regagné l’hôtel et devant, il y avait une ambulance. Dans le hall, des gens couraient. Rassie Erasmus (le manager) nous a aussitôt réunis dans une salle pour nous apprendre la nouvelle. J’étais anéanti. C’était comme si la terre avait disparu sous mes pieds.

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