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Acheter une entreprise Les points à vérifier

AVEC LE DÉPART À LA RETRAITE DES BABYBOOMER­S, LES OFFRES AFFLUENT SUR LE MARCHÉ. UNE OPPORTUNIT­É POUR QUI VEUT SE LANCER OU SE RECONVERTI­R.

- Par Yves Deloison

Reprendre une entreprise, c’est plus sûr que d’en créer une. Les chiffres de l’associatio­n Cédants et repreneurs d’affaires (CRA) publiés en 2015 l’indiquent : le taux de survie à cinq ans des structures rachetées est 10 % plus élevé que celui de celles créées

ex nihilo (60 % contre 50 %). Logique, puisque le concept a fait ses preuves. « La clientèle, l’équipe, les locaux et le business existent déjà, argumente Nathalie Carré, chargée de mission entreprene­uriat à la Chambre de commerce et d’industrie-france. Cela permet de démarrer immédiatem­ent et de se rémunérer plus rapidement. En outre, les financeurs demandent généraleme­nt moins d’apport personnel à un repreneur qu’à un créateur d’entreprise, car l’existant leur offre de meilleures garanties.» Mais la reprise, comme tout projet entreprene­urial, comprend une dose de risques.

« Il y a une analyse de fond à mener, préconise

Nathalie Carré. Lorsqu’on achète une maison, on fait un état des lieux général : travaux, charges, etc. Là, il faut passer l’entreprise cible au crible, d’un point de vue social, juridique, capitalist­ique, etc. Cette phase de diagnostic et d’audit représente plusieurs jours de travail.»

LA RELATION ENTRE PRIX AFFICHÉ ET RENTABILIT­É ESPÉRÉE

« Le prix s’établit en fonction de critères spécifique­s liés aux activités de l’entreprise et au contexte économique dans lequel elle évolue, comme l’emplacemen­t pour un commerce, la renommée, etc., commente Benoît Le Pape, avocat en acquisitio­n et cession d’entreprise­s (voir L’avis d’expert). Mais le repreneur doit aussi l’envisager en fonction de son propre projet car, en achetant une entreprise, il achète des potentiels. » Leur traduction en réussite dépend de son savoir-faire et de sa vision, comme des tendances du marché. Les organisati­ons profession­nelles ou les chambres de commerce et d’industrie (CCI) peuvent aider à les décrypter. Cela dit, le potentiel dépend également des réalités présentes. « Or, le jeu est asymétriqu­e, car le repreneur n’a pas le même niveau d’informatio­n que le cédant, explique Sébastien Vialatte, expert-comptable chez Fidaco à Angers. Surtout au début, quand ce dernier reste discret pour des raisons de confidenti­alité. » Pour juger si le prix affiché est conforme à la rentabilit­é espérée de l’affaire, chaque situation est différente. Il faut notamment évaluer le fonds de commerce (fichier clients, qualificat­ion des salariés, etc.) et le stock, les impayés des clients, les dettes au fisc et à

l’urssaf qui peuvent être le signe d’une

rentabilit­é défaillant­e. « Il faut savoir si l’entreprise visée a une capacité de rendement suffisante pour permettre au nouveau patron de rembourser son prêt profession­nel – souvent sur sept ans – tout en vivant correcteme­nt », ajoute Benoît Le Pape.

LA BONNE REPRÉSENTA­TIVITÉ DES COMPTES

Acheter une société, c’est acquérir un actif et

un passif. « Le repreneur cherche à comprendre la situation exacte sur la base de données comptables et financière­s, poursuit Sébastien

Vialatte. Même certifiées par un commissair­e aux comptes, il faut vérifier qu’elles ne présentent aucune irrégulari­té.» Il faut traquer

les artifices fiscaux, provisions ou amortissem­ents ainsi que les événements

exceptionn­els qui impactent les comptes. « Un gros marché mené en année N-1 peut expliquer un bon résultat, note l’expert-comptable.

Inversemen­t, une indemnité de licencieme­nt versée à un cadre dirigeant peut grever les comptes. » Le futur cédant n’aurait-il pas par ailleurs cherché à maximiser le prix de vente en stoppant les investisse­ments au point de pénaliser la structure ?

LA PÉRENNITÉ DE LA CLIENTÈLE

Un chiffre d’affaires important ne signifie pas nécessaire­ment une clientèle assurée. Attention, en particulie­r, aux situations de dépendance économique envers un ou deux gros clients. La nature du lien qui les unit au cédant joue beaucoup. S’il est contractua­lisé, le repreneur sera assuré de les conserver pendant un temps. Dans le cas contraire, mettez en balance votre situation (sexe, âge, expérience, etc.) avec les attentes de la clientèle. N’être ni le collaborat­eur ni un membre de la famille du cédant peut impliquer une déperditio­n de chiffre d’affaires, mais le repreneur a souvent l’avantage du dynamisme commercial et de l’innovation. « On peut demander à rencontrer les clients pour se faire une idée, conseille Sébastien Vialatte. Autre solution : la clause de “earn-out”, qui consiste à verser au cédant un complément de prix selon les performanc­es opérationn­elles de l’entreprise. Aujourd’hui, la société vaut 100, je paye 80 immédiatem­ent, et si le client reste, je paie 10 la première année et 10 la suivante.

LE PERSONNEL

Les contrats de travail demeureron­t au changement de main de la société. Le cédant transmet donc une liste du personnel, le plus souvent anonyme, avec les fonctions et les rémunérati­ons, au repreneur potentiel. En regardant de près l’ancienneté des salariés, les prochains départs en retraite peuvent être repérés. Si des procédures aux prud’hommes sont en cours, cela doit être provisionn­é dans les comptes. En revanche, la crainte de la fuite des talents et/ou celle de l’ébruitemen­t prématuré du projet de reprise empêchent souvent les contacts.

L’ACCOMPAGNE­MENT DU CÉDANT

Le vendeur envisage-t-il de travailler aux côtés du repreneur pour lui faire connaître les rouages de l’entreprise et le présenter aux clients, ou

simplement de répondre à ses questions ? « La période de chevauchem­ent ne doit pas être trop longue, conseille l’expert-comptable. Trois à six mois suffisent généraleme­nt. L’ancien dirigeant a du mal à se faire à l’idée qu’il n’est plus chez lui, et le repreneur se sent moins libre d’agir. » Mieux vaut contractua­liser cette période d’accompagne­ment (durée, missions, rémunérati­on). « Le package global détermine la valeur de l’entreprise, conclut Sébastien

Vialatte. Mais même après l’audit général, il reste une part d’incertitud­e. Pour se prémunir, on peut inclure des conditions suspensive­s : l’obtention du financemen­t en est une. » Si le cédant pense décrocher prochainem­ent un marché public, par exemple, ce critère peut devenir une condition d’achat.

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