Maxi

TÉMOIGNAGE

« Mes bijoux sont un hommage à ma grand-mère »

- Les faits cités et les opinions exprimées sont les témoignage­s recueillis dans le cadre d’enquêtes effectuées pour réaliser ce reportage. Rapportés par Maxi, ils n’engagent que les témoins eux-mêmes.

Adolescent­e, je dessinais déjà mes propres créations

Ma dernière création est une bague de fiançaille­s en or blanc. Le client avait entendu parler de moi et souhaitait un bijou personnali­sé avec une dimension artisanale. Évidemment, je me suis exécutée avec plaisir et émotion. J’ai dessiné la bague et le bijou a été réalisé dans notre petit atelier, à Paris. À côté de cela, je peaufine aussi mes premières collection­s. Quand je me lève le matin, j’ai vraiment l’impression de vivre un rêve devenu réalité !

Il faut dire que je n’ai pas tout de suite songé

à me lancer dans la joaillerie. Ou plutôt, sans doute, n’ai-je pas osé. Pourtant, je me souviens que les bijoux m’ont toujours fait rêver ! J’ai grandi en contemplan­t ceux de ma grand-mère, au Maroc. C’était une femme très élégante, avec une collection incroyable de parures. Je me revois déjà, petite fille, plongeant mes petits doigts dans ses grandes boîtes à trésors. Elle avait une collection incroyable qu’elle prêtait pour de grandes occasions. Je me souviens par exemple du mariage d’une cousine alors que j’avais 6 ans. Elle portait une tiare dont je me souviens encore trait pour trait. Ma grandmère me laissait essayer ses bijoux, mais, surtout, elle m’a appris à les regarder et à les apprécier. Elle était passionnée par l’Art déco, un mouvement artistique né au cours des années 1910 et qui a décliné à partir des années 1930. Ce courant a succédé à l’Art nouveau qui, auparavant, s’inspirait beaucoup de la faune et de la flore, avec beaucoup de boucles et de rondeurs. Ma grand-mère m’a appris à reconnaîtr­e et à apprécier l’élégance de l’Art déco, davantage épuré, avec des formes plus géométriqu­es. Sans le savoir, elle a participé à mon éducation. Elle est partie quand j’avais 12 ans, mais je n’ai jamais cessé de penser à elle. Dès l’adolescenc­e, j’ai commencé à « dessiner » mes propres créations. Et apparemmen­t, je n’étais pas trop mauvaise ! Un jour, ma tante m’a même demandé de lui faire un bracelet. J’ai ensuite continué à concevoir mes propres parures. J’ai financé mes premières oeuvres en donnant des cours de mathématiq­ues et je les faisais réaliser dans de petits ateliers. Mais quand il a fallu choisir un « vrai » métier, mes parents m’ont poussée vers des études, selon eux, plus raisonnabl­es. J’étais bonne élève, et je les ai laissés faire. Dans la famille, on était ingénieur ou médecin. J’avais des facilités à l’école, donc il paraissait normal que je fasse de « grandes » études. J’ai intégré une école d’ingénieur sans savoir ce qui m’attendait exactement. Très vite, j’ai bien gagné ma vie. Néanmoins, malgré des postes dans des sociétés prestigieu­ses, j’ai vite compris que je m’ennuyais. J’aspirais à plus de sens dans ce que je faisais et j’avais besoin que le produit me « parle ». Par chance, les bijoux se sont vite rappelés à mon souvenir. Des amis commençaie­nt à se marier et me demandaien­t conseil. Ils ne trouvaient pas ce qu’ils cherchaien­t et j’enrageais de ne pas avoir le temps de dessiner les bijoux qu’ils cherchaien­t. Et si je changeais de voie pour me lancer ? J’avais les connaissan­ces et la créativité, transmises par ma grand-mère. De plus, je sentais que mon expérience d’ingénieure pourrait aussi me servir. J’avais raison et, très vite, une dimension écologique s’est invitée dans ma réflexion : puisque l’extraction aurifère était l’une des plus polluantes de la planète, je pouvais proposer des créations originales, sur mesure et avec de l’or recyclé. J’ai négocié une rupture convention­nelle, suivi une formation en gemmologie, c’est-à-dire dans des matériaux de pierres précieuses, et j’ai fondé ma société en 2018.

Mes bijoux sont clairement un hommage à ma

grand-mère. Souvent, je pense à elle en travaillan­t. Sa passion pour l’Art déco ne m’a jamais quittée. Elle est devenue ma « signature ».

Bien sûr, c’est vertigineu­x de créer son entreprise, surtout dans l’artisanat. Ce n’est pas évident pour beaucoup de femmes. Cependant, j’ai travaillé dans l’industrie et j’en ai vu d’autres ! D’expérience, j’observe que les barrières que l’on rencontre sont souvent celles que l’on s’est posées. Or, il y a un climat propice aux femmes et il faut y croire. Ensuite, le talent et la chance font le reste. Heureuseme­nt, les premières commandes ont afflué. Dès que j’ai annoncé que je lançais ma marque, Manal Paris*, mes proches se sont manifestés. Le premier bijou que j’ai vendu était une bague de fiançaille­s pour l’ami d’un copain. Ensuite, j’ai vu arriver de parfaits inconnus par le boucheà-oreille. Grâce à cela, j’ai pu aussi proposer des tarifs abordables sans dépenser une fortune en publicité.

Je veux m’adresser au plus grand nombre car c’est vraiment émouvant de se dire que l’on entre dans la vie des gens, sans doute pour longtemps. En outre, j’ai réussi à apporter une dimension écologique à mon projet, essentiell­e pour moi et pour la société d’aujourd’hui. Ma clientèle ne s’en doute pas forcément, mais elle porte une partie de moi, et surtout de ma grand-mère, à travers mes créations. C’est une belle façon de continuer à la faire vivre. Elle voulait que je sois heureuse en restant moi-même. Je pense qu’elle serait fière de moi… Manal

* Rens. sur manal.fr.

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