Maxi

TÉMOIGNAGE

Carole sortait d’une leucémie quand on lui propose de participer à une étude élaborée avec des entraîneur­s sportifs de haut niveau. Le résultat ne s’est pas fait attendre…

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« Grâce à un programme médical, j’ai retrouvé mon énergie vitale ! »

Laurence, l’infirmière cadre de l’Institut Paoli-Calmettes, où j’étais suivie pour ma greffe de moelle osseuse, m’a tendu une feuille sur une étude scientifiq­ue en cours pour me demander d’y participer. J’ai tout de suite répondu : « Mais je ne suis pas concernée ! » Ce programme, encore en cours d’évaluation, proposait aux patients guéris d’une grave maladie de « rebondir », comme l’indiquait bien son nom : Rebond. Il s’agissait de suivre des entretiens avec le coach Pierre Dantin, qui s’est inspiré de la méthode des entraîneur­s sportifs de plusieurs équipes de France. J’ai accepté à contrecoeu­r d’aller à un premier rendez-vous, persuadée que ça ne me servirait à rien ! J’avais bien tort…

J’ai toujours été dynamique. J’ai travaillé dans des bureaux jusqu’à la naissance de mon quatrième enfant, Matéo, 7 ans, à l’époque de ma maladie.

Alors que Valentin avait 13 ans, Chloé 18 ans et Marie 20 ans. Tout ce petit monde se reposait beaucoup sur moi. Il était entendu avec mon mari, Philippe, qui dirige une société d’ambulances, que je m’occupais de la maison… En clair, le ménage, les courses, les devoirs, sans oublier les allées et venues entre le domicile et l’école, ou les activités des trois enfants encore chez nous. Je trouvais le temps de faire beaucoup de salsa, une passion. En octobre 2014, quand on m’a annoncé ma leucémie, la vie de toute la famille a basculé… De cette date à août 2015, je ne remettrai pas les pieds chez moi plus de trois jours ! Par chance, j’ai été décrétée « guérie » après quatre mois de chimiothér­apie, mais je devais subir une greffe de moelle osseuse pour renouveler l’ensemble de mes cellules et éviter la rechute. Cette interventi­on nécessite un mois en chambre stérile avec la stricte interdicti­on d’attraper la moindre infection. Tout s’est compliqué en mars, avant la greffe. La leucémie avait tellement détérioré mes artères que trois opérations successive­s n’étaient pas parvenues à revascular­iser mon pied. Le professeur Didier Blaise, chargé de la greffe, a tout de suite estimé que ce pied, dont le destin était en suspens, interdisai­t la greffe de moelle. C’était donc à moi de choisir : soit j’acceptais une amputation à mi-tibia, avec appareilla­ge dans la foulée, et j’aurais droit à ma greffe ; soit je courais le risque d’une récidive de la leucémie. Il n’y avait pas photo, comme on dit ! J’ai choisi la vie. En mars 2015, j’ai donc été amputée. En juin, j’ai subi la greffe de moelle osseuse, puis vécu « sous cloche » pendant un mois, puis encore quatre semaines en centre de convalesce­nce. Au mois d’août, une fois enfin rentrée chez moi, je réussissai­s à ne pas déprimer ! Je devais ce moral au fait que j’étais très soulagée d’être vivante. Mais justement…

Dès le premier rendez-vous pour expériment­er Rebond, Pierre Dantin m’a dit :

« Oui, vous êtes vivante, mais vos projets ? Votre vie à vous ? » Je parlais de mes enfants, des marques que je devais retrouver. Ils avaient appris à se débrouille­r seuls, pour se lever et s’habiller, par exemple. Mais Chloé, mon aînée, très dévouée les premiers temps, a fini par craquer d’épuisement. Je me sentais inutile. Un poids. Même si j’avais une très bonne mobilité pour marcher comme pour conduire, je projetais ma vie uniquement là, comme une courroie de transmissi­on qui devait reprendre sa place dans la famille. Ma vie à moi, avant, c’était ça et la danse. Je commençais toutes mes phrases par « avant d’être malade… », comme un sportif qui dit « avant de perdre… ». Le programme Rebond, grâce au dialogue durant les séances, me forçait à regarder devant, sans comparer, sans me vivre comme une « ex-malade ». Et puis, je me suis dit : « De quoi aije envie maintenant ? Pour après… » Naturellem­ent, j’ai pensé au sport, ma passion. Je

Il faut identifier son “moteur personnel” pour se tourner vers l’avenir

me suis mise à suivre les cours de préparatio­n sportive des judokas, justement pour travailler le mental. La force physique, c’est une chose, mais pourquoi certains ont envie de gagner et pas d’autres ? Mon prothésist­e a pensé m’orienter vers le surf et le paddle. Ces activités m’ont fait retrouver mon énergie parce que la mienne passait par le sport, mais pour d’autres patients, ça peut être le piano ou le retour au travail plutôt que de prolonger un congé pour maladie. Le tout est d’identifier son “moteur personnel”. Puis, j’ai eu envie de me maquiller, de me coiffer, de sortir, alors que j’avais vécu presque un an en pyjama. J’aurais pu me laisser vivre en me disant, « c’est déjà pas mal d’être vivante. » Vivante, oui, je l’étais, mais heureuse, je le suis redevenue en participan­t à ces diverses séances.

Aujourd’hui, j’ai retrouvé mes amis, je m’en suis fait de nouveaux

dans le cadre de mes activités sportives parce que je ne vis pas seulement dans « l’avant ». J’ai envie de reprendre une activité profession­nelle et je suis en train de monter l’associatio­n Handi Cap’Ventoux pour aider les personnes handicapée­s à faire l’ascension du mont Ventoux à vélo. Je participe à des groupes de parole pour aider les greffés et je ressors galvanisée du sourire que j’ai pu leur redonner. Mon espoir, c’est même de devenir coach moi-même en suivant le diplôme universita­ire dirigé à la rentrée par le professeur Dantin. Je n’aurais jamais supporté de m’écouter, de suivre une psychothér­apie parce que j’aurais été dans l’introspect­ion, qui peut convenir à certains. Moi, j’ai « rebondi » grâce à l’action, en me tournant vers les autres, vers l’avenir. Un jour, je me le suis promis, je redanserai !

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