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Pole position

Avec Vie de Gérard Flumard, Jean Echenoz continue sa course folle vers les hauteurs du roman français. Il était déjà au sommet, il l’est encore davantage. Ce roman-là est virtuose, jouissif, impression­nant.

- Éric Libiot

Le match était plié dès la sortie du livre en janvier : le meilleur écrivain français, en l’occurrence Jean Echenoz, est au meilleur de sa forme et il va falloir s’accrocher pour faire mieux que Vie de Gérard Fulmard. Personne n’a fait mieux. L’avis est personnel, mais les classement­s, les listes, les emballemen­ts, les rejets, les choix, les étoiles, les grognement­s et les applaudiss­ements le sont également. Lancer ici que Vie de Gérard Fulmard est au sommet vaut autant que s’il était déclaré en cinquième position ou en dernière. L’important est de le lire, de dire son importance, voire sa nécessité, et de laisser à chacun le loisir d’être d’accord ou pas ; mais c’est mieux si vous êtes d’accord.

UN STYLE QUI SE JOUE DE TOUT

Vie de Gérard Fulmard est tout ce que la littératur­e espère et désire : un plaisir d’écriture (donc de lecture), un style qui se joue de tout, à la fois soutenu, léger et rieur, une intrigue qui s’amuse d’un genre (le roman de détective) pour en faire l’éloge avec ce qu’il faut de modestie et d’élégance et sans jamais le prendre de haut mais, au contraire, avec l’envie d’y imprimer une marque durable; une prétention dont Echenoz est largement capable, lui qui a notamment visité le récit d’espionnage avec brio (Lac, Envoyée spéciale), la biographie avec virtuosité (Ravel, Courir) et l’aventure avec talent (L’Équipée malaise).

Mais qui est donc Gérard Fulmard et comment va sa vie ? C’est un ancien steward reconverti en privé, et bientôt engagé par un parti politique douteux, voire franchemen­t à droite, pour enquêter sur la belle-fille de son fondateur. Quant à sa vie, elle serait d’une triste banalité sans l’interventi­on de Jean Echenoz qui la transforme en une existence rocamboles­que et pétillante, partant du principe que si le romancier sert à quelque chose, c’est bien à rendre les choses de la vie plus excitantes, mais aussi plus dangereuse­s. Au final, Jean Echenoz s’avère plus virtuose que son héros et chacun lui en sait gré ; il manie la virgule comme Fulmard s’empêtre d’un flingue, saute d’une péripétie à l’autre quand Fulmard se prend le tapis, se joue du romanesque à l’instant où Fulmard se figure être le Philip Marlowe de la rue Erlanger. Ainsi se présente le meilleur roman de l’année.

VIE DE GÉRARD FULMARD

LA GRANDE ÉPREUVE ÉTIENNE DE MONTETY

(STOCK)

Si Bernanos était vivant, aucun doute qu’il écrirait sur l’islam radical. Quelle forme choisirait-il? Le roman, le théâtre ou l’essai? « Dialogues des salafistes » ou « Les grands cimetières sous les lames »? Héritier de Bernanos, Étienne de Montety a opté pour le roman en s’inspirant de l’assassinat du père Hamel. Il ne juge pas ses personnage­s, même les terroriste­s, mais en sonde les reins et les coeurs – et interroge la société, aussi. Alors que la réalité rejoint la fiction.

L’HISTORIOGR­APHE DU ROYAUME

MAËL RENOUARD (GRASSET)

De son propre aveu, Maël Renouard n’a jamais mis les pieds au Maroc et, pourtant, son septième ouvrage, présent sur la dernière liste du prix Goncourt, raconte trente ans de l’histoire de ce royaume, aux débuts du règne d’Hassan II. À travers le récit d’un homme de lettres appelé au service du souverain, pour en devenir le scribe. Commence alors un récit où l’homme note ce qu’il voit et s’adonne à moquer les courtisans, les traitres, les dupes, et… lui-même. Car le personnage du roi devient sa hantise autant que sa raison d’écrire.

LA TRAJECTOIR­E DES CONFETTIS MARIE-ÈVE THUOT (SOUS-SOL) En réponse aux sempiterne­lles lamentatio­ns des réactionna­ires désenchant­és, la Québécoise Marie-Ève Thuot adresse un premier roman jubilatoir­e et donne à lire le récit joyeux de l’Apocalypse amoureux. Roman choral qui navigue entre les familles et les époques, fresque sociale et comédie de moeurs corrosive, La Trajectoir­e des confettis est une oeuvre foisonnant­e qui étudie notre rapport biaisé à la sexualité et salue, à rebours du fatalisme ambiant.

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