Hanne-Vibeke Holst et la culture politique au Danemark
Chaque mois, Lire donne la parole à un écrivain pour qu’il nous ouvre les portes de sa réalité. Ce moisci : Hanne-Vibeke Holst, romancière danoise, auteure d’une volumineuse saga politique ayant inspiré la série télévisée Borgen. A travers le personnage d
J’ai commencé à écrire après l’affaire “Mona Sahlin”. Cette femme était un modèle pour moi comme pour beaucoup d’autres femmes scandinaves : cool, intelligente, courageuse, et sur le point de devenir la première femme Première ministre de Suède. Peu avant le vote pour la présidence du Parti social-démocrate, elle a été accusée d’avoir utilisé sa carte bancaire professionnelle pour acheter des couches et du chocolat. Son nom a été traîné dans la boue, et bien qu’elle ait été ensuite lavée de tout soupçon, le mal était fait. Cela a été pour moi une révélation, car j’ai compris que cette vive opposition était en réalité une critique sexiste. C’est parce qu’elle était une femme que les attaques contre sa personne ont été si violentes. Elle a contesté le monopole masculin du pouvoir et elle en a subi les conséquences. Sa chute m’a donné envie d’enquêter sur la relation entre les femmes et le pouvoir. S’agissait-il d’une tendance générale ou Mona Sahlin constituait-elle un cas isolé ? Pour cette enquête, j’ai mené des recherches approfondies autour du Parlement danois, qui ont abouti, finalement, à la trilogie romanesque sur Charlotte Damgaard.
Nous avons récemment eu une femme Première ministre, Helle Thorning-Schmidt, mais elle aussi a dû faire face à une certaine résistance qui, pour moi, était formulée en raison de son sexe. Elle a été jugée plus sévèrement car pour elle la marge d’erreur était beaucoup plus mince. Elle devait se défendre en tant que mère, son apparence et ses vêtements étaient toujours un sujet de discussion et de critique… Les femmes sont habituées à s’excuser d’avoir de l’ambition. Il est évident qu’au cours des huit mille dernières années, elles ont été tenues à l’écart de l’espace public. C’est encore nouveau pour les femmes d’y prendre part, et c’est aussi nouveau pour les hommes d’y faire face. C’est pourquoi les deux sexes sont, d’une certaine façon, bloqués. Heureusement, le mouvement de libération est en cours. L’égalité des sexes a beaucoup progressé grâce à notre Etat-providence qui garantit un congé parental généreux ainsi que différents modes de garde d’enfants. Et les hommes commencent à comprendre qu’il y a des bénéfices à partager le pouvoir comme, par exemple, moins de stress et plus de temps à passer avec leurs enfants. Cette tendance est évidente chez la jeune génération ici au Danemark. Venez à Copenhague, où vous verrez autant de pères que de mères derrière des poussettes ! Malgré tout, des améliorations sont encore possibles à cet égard – les hommes sont toujours mieux payés que les femmes, ils s’arrogent toujours davantage de pouvoir et ils prennent beaucoup moins de congés parentaux, ce qui leur donne un avantage concurrentiel tout au long de leurs carrières.
Cela étant dit, et malgré la désillusion du public envers la politique, les promesses non tenues, le maquignonnage, l’opportunisme, je pense que la culture politique danoise reste fondamentalement saine. Nous ne connaissons pas – ou très peu – d’actes de corruption et nous avons une grande transparence dans le processus décisionnel politique. Les électeurs danois sont bien informés, avec un bon système d’éducation, une forte égalité sociale et de nombreuses radios et chaînes de télévision financées par l’Etat qui diffusent des émissions de service public. Et puisque nous avons également mis en place des structures hiérarchiques horizontales, les Danois n’ont pas peur de débattre ou de contredire les personnes au pouvoir. Ce qui se passe en ce moment en France par exemple avec l’affaire Fillon n’aurait jamais eu lieu chez nous, le candidat aurait dû se retirer immédiatement. Au Danemark, nous n’avons aucune tolérance pour les personnes qui abusent des fonds publics. »