RAPPEL HISTORIQUE
Indépendant depuis 1956 après quarante-quatre ans passés sous protectorat français (régions centrales et bords de l’Atlantique) et espagnol (au nord et au sud), le Maroc reconnaît deux langues officielles : l’arabe et l’amazighe (berbère). Le français et l’espagnol demeurent comme langues culturelles. Dans les domaines de la poésie et du roman, l’expression littéraire marocaine s’est articulée principalement autour de l’arabe et du français. Ce, pour la génération qui a grandi sous le protectorat, celle du poète arabophone Mohammed Ben Brahim (1897-1955) ; pour celle qui est apparue dans les années 1930, avec le mouvement nationaliste naissant, au sein de laquelle brillait l’écrivain et journaliste arabophone Abdelkrim Ghallab (19192006) ; ou pour celle enfin qui se manifesta au lendemain de l’indépendance, où l’on trouve Abdelmajid Benjelloun (d’expression française) et Mohammed Berrada (qui écrit en arabe).
Entre les années 1930 et les années 1960, les écrivains d’expression française se posèrent des questions sur leur identité : ignorés par un peuple peu attiré par le roman, rejetés par l’intelligentsia traditionnelle comme par la puissance coloniale, ils choisirent la langue de cette dernière afin d’affirmer aux yeux mêmes du colon l’identité autochtone. Ce fut le cas de Driss Chraïbi (1926-2007) dans Le Passé simple (1954) ou d’Ahmed Sefrioui ( 1915- 2004) avec La Boîte à merveilles (1954), qui mirent en avant la question identitaire. La période 19651990 sera celle de la défiance et de la remise en cause. Une génération d’auteurs arriva à maturation, constituée généralement d’universitaires et d’enseignants, opposés à la violence exercée par le régime du nouveau roi, Hassan II, aux enlèvements, aux arrestations et à la torture. Parmi les plus connus, citons les noms d’Abdelkébir Khatibi (19382009), de Mohammed Khaïr-Eddine ( 1941-1995) – dont les oeuvres seront interdites au Maroc de son vivant, mais rééditées à partir de 2002. C’est dans ce contexte que naquit, en 1966, la revue