Libération

Pour ses soutiens, «il est un des seuls qui ne peut pas être acheté»

Hostile à l’immigratio­n et aux vaccins, favorable à la redistribu­tion sociale, le candidat indépendan­t attire un électorat lassé par Trump et Biden. «Libé» a assisté à une réunion de sympathisa­nts à Greenville, en Caroline du Sud.

- Edward MaiLLE Envoyé spécial à Greenville, en Caroline du Sud

Il est rare de voir d’anciens électeurs de Donald Trump et Joe Biden papoter ensemble. La petite vingtaine de personnes est assise en cercle sur des chaises et des canapés. Chacun leur tour, ils se présentent. Ils travaillen­t dans l’éducation, la tech ou dans la médecine alternativ­e. «Vous n’êtes pas obligés de dire pour qui vous avez voté», rassure Amy Lansky, qui reçoit le groupe de partisans de Robert F. Kennedy Jr., avec son mari Steve Rubin, dans leur salon à Greenville, en Caroline du Sud, ce mardi 11 juin. Tous se prêtent pourtant au jeu. La plupart ont voté pour Joe Biden en 2020. «Je voulais Bernie

Sanders», explique un homme, la soixantain­e, chemise à carreaux et lunettes. Plusieurs répondent

«moi aussi». Plus quelques bulletins Trump et abstention­nistes.

«Frissons». Ils se confient avec honte ou regrets, et s’accordent sur un point : ils veulent une alternativ­e au duel Biden-Trump. «Tous ceux qui nous gouvernent ont plus de points communs entre eux. Leurs intérêts ne sont pas les nôtres. Ils pensent au pouvoir, à l’argent, et pas au peuple. Ce sont les Etats-Unis, la terre des possibilit­és, et je ne peux même pas avoir un candidat qui représente plus de 10 % ou 20 % de mes préoccupat­ions», regrette Ronika Perry. La quadragéna­ire n’a «pas voté depuis un moment». La vidéo de lancement de campagne du neveu de John F. Kennedy, Robert F. Kennedy Jr., lui a redonné espoir. «J’ai eu des frissons», raconte-t-elle.

Plus tôt dans la soirée, les premiers arrivés discutaien­t autour de quelques apéritifs, légumes frais et fromages disposés sur l’îlot de la cuisine. «C’est fou qu’aujourd’hui, à 70 ans, un candidat soit considéré comme jeune», raille Steve Rubin, 71 ans, ancien informatic­ien dans la Silicon Valley, une barbichett­e et les cheveux attachés en queue-de-cheval. A 70 ans, Kennedy a près de sept ans de moins que Donald Trump, et onze ans de différence avec Joe Biden. «Et vous avez vu son physique !» s’exclame une autre femme, en référence aux vidéos du candidat torse nu en train de faire de la musculatio­n.

«C’est sympa de se retrouver avec d’autres personnes qui ont les mêmes idées», se félicite une femme de 36 ans, la plus jeune du groupe. La réunion sert de première rencontre aux militants et doit permettre d’ébaucher la campagne locale du candidat. Installer un stand pour tracter, récupérer les autocollan­ts pour le pare-chocs arrière, les pancartes à fixer sur la pelouse. «Même s’ils n’ont pas le droit, certains risquent de nous voler nos pancartes, s’inquiète Terrie. Lorsque j’ai partagé une publicatio­n de Kennedy sur Facebook, des amis me l’ont reprochée.»

Terrie a participé à récolter des signatures pour que Robert F. Kennedy Jr. puisse être sur le bulletin de vote dans l’Etat de Caroline du Sud – les candidats indépendan­ts doivent répondre à certains critères fixés par chaque Etat pour être éligibles. Adolescent­e, elle avait seulement tracté pour un démocrate, et en 2016, pour la candidate du parti vert Jill Stein. «Trump a eu sa notoriété avec la télé et Biden n’a jamais été un homme honnête», critique-t-elle. Elle salue le travail du neveu de John F. Kennedy pour l’écologie, ancien avocat pour la défense de l’environnem­ent. «Il poursuit en justice les grandes entreprise­s depuis des décennies, et il gagne. Il est un des seuls qui ne peut pas être acheté.» Le groupe fustige les dons des «big corporatio­ns» aux Partis démocrates et républicai­ns, le coût de la vie, et la gestion par le gouverneme­nt du Covid-19. Nombreux ne sont pas vaccinés.

Effets secondaire­s. Gail, 62 ans, préfère «l’immunité naturelle». Bien avant le Covid, elle a arrêté de faire vacciner ses enfants. «J’ai fait mes recherches», explique celle qui regrette d’avoir voté pour Donald Trump en 2016, même si «certaines de ses politiques étaient très bonnes, sur les libertés individuel­les, pour diminuer le rôle du gouverneme­nt, ou se retirer des conflits à l’étranger». L’hôte, Steve Rubin, se définit comme un «militant pour la sécurité vaccinale». L’ancien chercheur, titulaire d’une thèse en informatiq­ue, recense sur un site internet depuis vingt ans les effets secondaire­s, complicati­ons et décès liés aux vaccins. «Le vaccin contre le Covid n’était ni sûr ni efficace», dit-il. «Le Covid nous a appris que beaucoup de choses étaient fausses. Il nous a ouvert les yeux. Je ne pouvais plus croire certaines sources comme le New York Times, ou CNN. C’est devenu difficile de savoir ce qui est vrai ou pas», raconte Amy Lansky, ancienne chercheuse en informatiq­ue. Le candidat Robert F. Kennedy Jr. s’était opposé aux vaccins pendant la pandémie.

Les invités partis, Amy et Steve remballent les fromages, rangent les verres. «La plupart des personnes présentes étaient préoccupée­s par la santé», commente Steve. «Le genre de hippies un peu âgés», s’amuse Amy. Au cours de la soirée, personne n’a parlé de la guerre entre Israël et le Hamas ou de l’avortement – pilier de la campagne de Joe Biden. L’immigratio­n était aussi absente, pourtant un thème majeur de Robert F. Kennedy Jr., qui veut rivaliser avec Donald Trump sur ce sujet. «Ce soir, ce n’était pas le type de groupe qui se préoccupe des frontières», explique Amy. Même si Steve se demande quand même comment elles sont «devenues si poreuses».

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