Au Royaume-Uni, une chasse au gaspi alimentaire efficace
Avec la collecte de données précises, des campagnes de sensibilisation efficaces et la participation d’acteurs majeurs du secteur, le pays est un des bons élèves de la lutte antigaspi.
Entre 2007 et 2018, la quantité moyenne de déchets alimentaires produits par les Britanniques a diminué de 23 %. Un résultat encourageant pour le Royaume-Uni, déjà reconnu comme un des chefs de file dans la lutte contre le gaspillage. Le pays s’est engagé à ramener sa production de déchets alimentaires à 50 % de son niveau de 2007 d’ici à la fin de la décennie, et a pris le problème au sérieux plus tôt que les autres.
En effet, les premières mesures remontent à 2005. «C’était alors la première fois qu’on s’intéressait aux déchets alimentaires, et ça a été un choc lorsqu’on s’est rendu compte qu’il s’agissait en fait d’un énorme enjeu», se rappelle
Estelle Herszenhorn, responsable de la transformation du système alimentaire auprès de Wrap, une organisation à but non lucratif qui oeuvre pour la réduction du gaspillage. Cette année-là, le premier d’une série d’engagements est signé dans le but de réduire l’impact environnemental du secteur alimentaire britannique. Dans la foulée, Wrap se met à publier des rapports pour quantifier la quantité de nourriture jetée par les ménages.
Slogans. La collecte de données précises, qui donne toujours lieu à des rapports annuels et a placé le sujet au centre de l’attention publique, a permis d’établir un plan d’action. «On s’est basé sur ces données pour identifier les domaines dans lesquels il fallait agir, et on les a converties en messages accessibles pour les consommateurs», explique Estelle Herszenhorn. Dans le pays, environ 60% du gaspillage est lié à la consommation des ménages. Les campagnes de sensibilisation se succèdent donc, avec leurs sites didactiques et leurs slogans accrocheurs (Love Food, Hate Waste). Elles insistent sur le coût du gaspillage (60 livres par mois, soit 70 euros, selon une publicité diffusée en 2023), informent sur la bonne utilisation des produits, et soulignent les effets du gaspillage sur l’environnement. En 2022, la campagne Make Toast Not Waste invitait notamment les Britanniques à congeler leur pain de mie avant qu’il ne se perde, pour sauver quelques-unes des 20 millions de tranches jetées chaque jour.
«Ce qui nous a vraiment permis de mettre en place des changements, c’est de se rendre compte que la création d’un environnement dans lequel il est facile d’acheter les bonnes quantités de nourriture et de les stocker au mieux repose sur une responsabilité partagée», souligne Estelle Herszenhorn. Les différents acteurs du système alimentaire (distributeurs, hôtellerie-restauration, secteur agricole, autorités locales, industries de la production alimentaire…) ont décidé de jouer un rôle en collaborant au sein de groupes de travail pour améliorer leurs systèmes, et en signant des engagements datés et chiffrés. Parmi les succès : la modification des étiquettes «best before» («meilleur avant») sur les fruits et légumes frais pour éviter qu’ils ne soient jetés à tort, et l’ajout de logos «réfrigérateur» sur ceux qui se conserveront plus longtemps au frais.
Vrac. L’introduction de formats vrac vise aussi à permettre aux consommateurs de n’acheter que ce dont ils ont besoin. En effet, selon les données de Wrap, 60 000 tonnes de nourriture seraient sauvées du gaspillage chaque année si les pommes, bananes et pommes de terre étaient vendues individuellement plutôt qu’en lot.
Tous les secteurs sont passés en revue et l’hôtellerie-restauration n’est pas en reste. Une des dernières campagnes encourage les professionnels du secteur à limiter leurs déchets à travers des mesures simples: emballer les restes pour les clients, repenser la taille des portions, identifier les garnitures qui finissent à la poubelle, optimiser le stockage et la préparation des plats ou encore changer leurs méthodes de cuisson. Au fil des ans, la redistribution des invendus s’est améliorée, permettant de sauver des millions de repas. La collecte des ordures ménagères avec une poubelle à part pour les déchets alimentaires devrait aussi se généraliser en Angleterre cette année, après de bons résultats au pays de Galles. «Cela permettra de rendre visible la quantité de nourriture que les personnes jettent, ce qu’on souhaite faire dans une logique de prévention, analyse Estelle Herszenhorn. Il y a énormément de raisons qui expliquent le gaspillage alimentaire à la maison, et nous devons penser à de multiples actions pour lutter contre. Il n’y a malheureusement pas de solution miracle.» Mais les progrès ne sont pas linéaires: le gaspillage est reparti à la hausse pendant la pandémie.
Juliette Démas Correspondante à Londres
En 2022, la campagne «Make Toast Not Waste» invitait les Britanniques à congeler leur pain de mie avant qu’il ne se perde.