Libération

Pour Macron, des mesures progressis­tes à peu de frais

- Par THOMAS LEGRAND Chroniqueu­r politique

Qui a dit que le macronisme n’était plus qu’une variante de la droite ? Le Président tente de gauchir certains aspects de sa politique. Vous avez remarqué ? La charge de Gabriel Attal samedi, à Lille, lors du premier meeting de la campagne des européenne­s en soutien à la liste de la majorité menée par Valérie Hayer, n’était dirigée que contre le Rassemblem­ent national (RN). Les insoumis, pourtant considérés il y a peu comme indignes de faire partie de «l’arc républicai­n», étaient totalement épargnés. Valérie Hayer avait même, quelques jours plus tôt, estimé que Raphaël Glucksmann, tête de liste PS-Place publique, pensait comme elle à 90 %.

On sortait à peine d’une séquence de victoire culturelle de la gauche avec l’inscriptio­n de la liberté d’avorter dans la Constituti­on. Et, juste avant, le Président avait fait entrer le couple Manouchian au Panthéon et rendu hommage, dans son discours, à ces résistants étrangers et communiste­s. La position très ferme exprimée par la France contre Israël et son opération meurtrière sur Gaza ne peut décemment pas être attribuée à une tactique de politique intérieure. Nous ne ferons bien sûr pas l’injure au Président de croire que la politique extérieure de la France est dictée par des considérat­ions bassement électorale­s. On se bornera juste à constater que ça fait masse avec les sujets évoqués plus haut. Et voici qu’Emmanuel Macron annonce une avancée significat­ive à mettre sur le compte du progres sisme avec une loi mettant en place une «aide à mourir».

Là encore, il serait abusé de prétendre qu’Emmanuel Macron s’est déterminé sur un sujet si sensible pour complaire aux électeurs de gauche qu’il aurait déçus avec ses lois retraite, immigratio­n et la nomination d’un gouverneme­nt quasi-sarkozien. Toujours est-il que c’est à Libération (avec la Croix, qui n’est pas un journal de droite) qu’il a accordé une interview pour rendre public et détailler sa décision. Une décision prise, remarquons-le, après un processus vertueux – et prôné par la gauche – de démocratie participat­ive innovante. L’ensemble de ces concession­s à la gauche, dont les degrés de sincérité et de stratégie (l’un n’étant pas exclusif de l’autre) sont variables selon les cas, a une particular­ité : elles ne coûtent rien.

Aucune de ces mesures juridiques, symbolique­s, diplomatiq­ues, éthiques ne comporte d’aspect véritablem­ent économique et social. Ce sont des positions qui n’impliquent aucunes dépenses supplément­aires au trésor public. Manouchian au Panthéon plutôt qu’une hausse d’impôts sur les plus riches, l’IVG dans la loi fondamenta­le plutôt qu’un coup de pouce au salaire minimum, sur le papier, c’est assez malin. Dans la réalité, pas sûr, en ces temps d’inflation, que l’entourloup­e à peu de frais, ce «quoi qu’il n’en coûte rien», ait de réelles répercussi­ons électorale­s. C’est dommage qu’il n’y ait pas plus d’élections intermédia­ires parce que c’est à ces moments-là seulement qu’Emmanuel Macron se souvient qu’il doit ses mandats, très largement, aux électeurs de gauche.

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