En Allemagne, le sursaut de la société civile fragilise l’AfD dans l’opinion
Trois millions de personnes dans la rue contre l’extrême droite, les plus grandes manifestations depuis 1989. Après les révélations du site d’enquête Correctiv sur des plans d’expulsions fantaisistes de l’extrême droite, la «majorité silencieuse» a remplacé dans la rue néonazis, antivax, militants anti-islam et autres conspirationnistes. «Ils ont repris la rue. Du moins, pour l’instant», résume Fabian Virchow, spécialiste de l’extrême droite à l’université des sciences appliquées de Düsseldorf. Même là où l’AfD, le parti d’extrême droite, réalise des scores de plus de 50%, les opposants osent descendre dans la rue pour défendre «la démocratie et la diversité», tout en sachant qu’ils risquent des représailles. En juillet, la mutation de deux enseignants qui avaient dénoncé la propagande d’extrême droite dans leur école avait choqué l’Allemagne. Dans un contexte de morosité économique, la montée de l’extrême droite était jugée d’autant plus inquiétante qu’elle commençait à gangrener le coeur de la société. A l’approche des élections européennes et de trois scrutins régionaux dans l’Est, le «réveil de la société civile» allemande a permis de stopper une ascension fulgurante (+50 % par rapport aux élections de 2021). Selon les derniers sondages, l’AfD recule de trois à cinq points à environ 17 %, ce qui le ramène à son niveau de juin.
Cette première victoire n’a pas laissé indifférents les directions de clubs sportifs, les syndicats, mais aussi les entreprises qui publient à tour de rôle des déclarations contre l’extrême droite. Dans le domaine culturel, le festival du film de Berlin a annulé toutes les invitations de membres de l’AfD. Jeudi, les évêques catholiques ont appelé 20 millions de fidèles à «rejeter le nationalisme populaire».
Plus un seul conservateur de la CDU n’ose remettre en cause ce «cordon sanitaire». Au gouvernement, la ministre de l’Intérieur, la socialedémocrate Nancy Faeser, multiplie les initiatives pour «renforcer la résilience démocratique» : lutte contre la propagande sur les réseaux, loi sur les financements occultes, durcissement du port d’armes… La ministre n’exclut plus une interdiction de l’AfD, alors qu’on avait longtemps considéré cette procédure «trop complexe».