Du barreau au PNF, des affaires dans l’affaire
Pour identifier la taupe qui a éventé le secret sur les écoutes, les juges ont examiné les fadettes de plusieurs avocats, dont Eric DupondMoretti, qui a lancé une enquête administrative.
Dès son déclenchement, en 2014, l’affaire Bismuth a provoqué de violents remous au sein de l’avocature parisienne. Avec cette première question, qui a suscité l’émoi d’une partie de la profession : qui est la taupe qui a prévenu l’ancien président Sarkozy et son avocat qu’ils étaient sur écoute en janvier 2014, comme en témoigne leur brusque changement de ton au téléphone ?
Expertises. Les soupçons se sont immédiatement portés sur le barreau de Paris, dont le bâtonnier, comme le veut la règle procédurale, avait été prévenu du renouvellement des interceptions judiciaires visant Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog dans l’affaire libyenne. Avec, toutefois, une interdiction formelle de le dévoiler à qui que ce soit, puisque seul le bâtonnier et ses plus proches collaborateurs devaient être mis au parfum. «Top secret absolu, nous sommes trois au courant, un point c’est tout», leur confie alors par texto le bâtonnier, PierreOlivier Sur. Les enquêteurs se pointeront quand même au Conseil de l’Ordre parisien pour toute une série d’expertises techniques sur son système informatique interne. En vain. Sur ce sous-volet de violation du secret de l’instruction, les juges Claire Thépaut et Patricia Simon ont décrété un non-lieu, constatant simplement : «Les deux hommes ont eu une information sur des interceptions judiciaires, sans que l’origine ait pu en être identifiée.» Entre autres hypothèses envisagées, ils auraient pu être alertés par des journalistes bien informés.
Fin de la polémique ? Loin de là, puisque le Parquet national financier (PNF) a ouvert parallèlement une enquête préliminaire distincte dans l’espoir de débusquer la taupe, sous le numéro P14063000306. Il la gardera longtemps sous le coude, refusant de la communiquer aux avocats de la défense, en dépit de leurs demandes répétées, avant de la classer finalement sans suite en décembre 2019. Comme l’a révélé le Point en juin, le PNF a épluché auparavant les «fadettes» (factures détaillées) d’une magistrate et d’une dizaine d’avocats pénalistes. Dont Eric Dupond-Moretti, qui s’est empressé de porter plainte pour atteinte au secret des correspondances et à l’intimité de la vie privée, qualifiant de «barbouzardes» les méthodes du PNF. Plainte retirée après sa nomination à chancellerie, pour éviter le soupçon d’être juge et partie.
Ami. Mais quelques semaines plus tard, alors même que l’Inspection générale de la justice a conclu à l’absence de faute du PNF, le nouveau garde des Sceaux juge nécessaire de diligenter une enquête administrative contre les deux magistrats financiers ayant conduit les investigations sur la taupe présumée. Un conflit d’intérêts d’autant plus problématique que le PNF, fragilisé par les attaques récentes de son ministre de tutelle, s’apprête à requérir contre Nicolas Sarkozy et l’ami de trente ans d’Eric DupondMoretti, Thierry Herzog.