Libération

«L’écriture est l’art du pauvre, tu voyages léger» Entretien avec Joseph Incardona

- Recueilli par Alexandra Schwartzbr­od Photos Niels Ackermann. Lundi13

Enfant, il s’enfermait dans la cave de ses parents pour fabriquer des armes en bois ou en carton. Mais pas question de rater un épisode de la série policière Chapeau melon et Bottes

de cuir, il était dingue de Diana Rigg, ses longues jambes bottées et ses yeux en amande. Si dingue qu’après le dernier épisode, il est parti dans les bois environnan­ts pour pleurer en cachette. Tout Joseph Incardona est là, le goût du noir, le besoin de raconter la violence, le sexe comme outil de domination. Mais aussi une douceur singulière qui affleure quand il se raconte. «Je suis plus sage qu’il n’y paraît, je ne reflète pas la dureté de mes livres», dit-il.

Dureté, c’est le bon mot. Ses romans sont des concentrés de noirceur, ils racontent le mal,

«la malveillan­ce», précise-t-il, dans un style sec, épuré, des phrases qui cinglent comme des cravaches, des mots qui brûlent et glacent. La lecture de 220 Volts (Fayard), en 2011, nous avait scotchée, une dissection froide du couple que l’on retrouvera en 2014 dans Aller

simple pour Nomad Island (le Seuil). Dans ses livres, aucune tiédeur (il a d’ailleurs publié un formidable Chaleur en 2017 qui avait emporté le prix du polar romand), on est soit emporté par la passion, soit dévoré par la haine, la jalousie, l’épaisseur et l’aigreur de l’ennui, autant de sentiments qui peuvent pousser à tuer.

Avec la Soustracti­on des possibles, son nouveau roman, il nous semble avoir franchi un palier. Il a pris des risques en voulant placer l’écrivain en regard de l’intrigue, comme s’il était à une fenêtre et observait la tragédie en train de se dérouler. Et ça marche. On est dans les années 90, au temps des

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