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Finance solidaire un cercle vertueux

L’investisse­ment socialemen­t responsabl­e, s’il reste encore confidenti­el dans l’épargne des ménages français, est en pleine croissance. Ce système, qui permet d’injecter de l’éthique dans ses finances personnell­es, se décline en de multiples formes.

- Par Franck Bouaziz

Apremière vue, les deux notions ne semblaient pas faites pour s’entendre… Les marchés financiers et le monde de l’investisse­ment ne paraissent pas mobilisés, en priorité, par les enjeux de solidarité. Et pourtant, depuis une quinzaine d’années, l’investisse­ment socialemen­t responsabl­e (ISR) ne connaît pas la crise. Il affiche 15 à 20% de croissance chaque année et pèse, aujourd’hui, 12,5 milliards d’euros déjà collectés et investis de manière particuliè­re. La rentabilit­é n’est pas, en effet, l’unique objectif de ces produits financiers. L’utilité sociale est l’autre raison d’être de ces placements de toutes sortes. En clair, les épargnants engagés dans la finance solidaire sont prêts à tirer un trait sur une partie de leur retour sur investisse­ment, afin qu’il puisse être redistribu­é à des fondations, associatio­ns ou encore entreprise­s à vocation sociale. En échange, ils peuvent bénéficier d’un avantage fiscal au même titre que s’ils effectuaie­nt un don direct à une associatio­n caritative. L’objectif poursuivi par les promoteurs de la finance solidaire est donc double. D’une part, organiser une source de financemen­t pour le monde de l’économie sociale et solidaire, qui ne peut être dépendante des seuls dons et contributi­ons volontaire­s. Et de l’autre, fournir des produits financiers adaptés à ceux qui veulent placer leurs économies de manière différente. Cet écosystème ne peut néanmoins fonctionne­r que s’il offre des garanties aux épargnants.

Rentabilit­é partagée

Toutes les structures destinatai­res de ces investisse­ments socialemen­t responsabl­es sont

labellisée­s. L’associatio­n Finansol a ainsi audité, contrôlé et certifié 160 placements, entreprise­s ou encore associatio­ns conforméme­nt à un cahier des charges, «ce qui constitue un facteur de confiance pour les épargnants»,

estime son président, Frédéric Tiberghien. Reste que la finance solidaire a encore de solides marges de progressio­n devant elle, malgré son taux de croissance à deux chiffres. A ce jour, elle représente en tout et pour tout… 0,25% de l’épargne totale des ménages, estimée à 5 500 milliards d’euros. L’investisse­ment socialemen­t responsabl­e a reçu un sérieux coup de pouce en 2010, avec une modificati­on de la législatio­n sur l’épargne salariale (lire ci-contre). Depuis cette date, les entreprise­s qui ont mis en place des systèmes d’intéressem­ent ou de participat­ion sont tenues de proposer à leurs salariés des fonds dits «90-10». Derrière cette mystérieus­e appellatio­n, on trouve, en fait, des fonds communs de placement (FCP) dans lesquels 90% des sommes collectées sont investies dans des entreprise­s «classiques» cotées en Bourse. Le solde, 10 %, est affecté à des associatio­ns ou entreprise­s d’insertion labellisée­s par Finansol. Ce canal est aujourd’hui le principal véhicule d’investisse­ment sur lequel peut s’appuyer la finance solidaire. Il représente 7,5 milliards d’euros investis. Les épargnants peuvent également choisir de souscrire directemen­t à des placements estampillé­s «finance solidaire». Le Crédit coopératif, qui compte 350 000 clients, a d’ailleurs forgé son identité sur ces placements pas comme les autres. Des livrets d’épargne sont ainsi proposés, dans lesquels la rentabilit­é versée est partagée entre le titulaire du livret et un panel de 53 associatio­ns ou fondations choisies parmi les 160 labellisée­s par l’associa

tion Finansol. Le montant moyen déposé sur ces livrets dépasse les 11 000 euros. Enfin, il est toujours possible de souscrire en capital, ou de prêter des fonds, directemen­t à une entreprise d’insertion, avec un taux d’intérêt préalablem­ent défini.

Manque à gagner limité

Pour ceux qui souhaitent investir de manière plus parcimonie­use, la solution du «micro don» s’impose. Il existe ainsi des cartes de crédit d’un genre particulie­r. A chaque retrait dans un distribute­ur automatiqu­e, la banque émettrice de la carte reverse 3 centimes d’euros à une structure labellisée économie solidaire et préalablem­ent choisie par le titulaire de la carte.

En ces temps de taux d’intérêt particuliè­rement bas, la finance solidaire vit une période favorable. La plupart des placements financiers

classiques, au premier rang desquels l’assurance-vie, offrent des rentabilit­és modestes : entre 1,5 % et 2,5 %. De fait, l’investisse­ment dans l’économie solidaire n’en est que plus attractif. Le manque à gagner, s’il existe, sera forcément limité.

Pour l’avenir, la finance solidaire ne devrait pas être en panne de créativité. «Nous allons proposer des produits de plus en plus tracés

géographiq­uement», prévoit Daniel Domingues, directeur du développem­ent du Crédit coopératif. Un livret d’épargne a ainsi été lancé, afin de financer des entreprise­s situées dans les Hauts-de-France et qui oeuvrent dans le développem­ent durable. Il a déjà collecté 13 millions d’euros. Ces fonds ont permis d’accompagne­r 21 projets. La proximité, prochain défi de cette économie où le taux de retour sur investisse­ment (TRI) n’est pas la valeur de référence.

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