Libération

Les tradis vont-ils garder la main ?

- Par GUILLAUME LECAPLAIN et ANAÏS MORAN

Trois mois après les révélation­s de Libération sur le harcèlemen­t des filles du lycée militaire, son directeur est sur le départ. Son dernier fait d’armes: l’installati­on d’une stèle portant l’inscriptio­n «Chic aux tradis».

Après l’enquête de «Libé» sur le harcèlemen­t sexiste dans le lycée militaire, le chef de corps est sur le départ. Il laisse derrière lui une stèle vue comme une provocatio­n. Pire, il pourrait être remplacé par un ancien «tradi».

C’début de est, sorte, d’adieu. la semaine, en un Depuis quelque cadeau une le stèle son apparition flambant dans neuve la a cour fait Rivoli Saint-Cyr du lycée (Yvelines). militaire Entre de quatre flèches qui partent vers l’extérieur, trois slogans sont gravés en lettres d’or : «chic à Cyr», «chic aux anciens», «chic aux tradis». Dans le langage propre aux lycées militaires, les flèches, c’est pour rendre gloire.

«Chic», c’est à peu près le même sens. Au sein de l’établissem­ent, l’objet a fait bondir.

«Mutation». ces dans années slogans la (ils des même 60), étaient Armées ne même sont cour Car déjà même explique pas si dans le écrits nouveaux ministère les si à tradis» sens traditions Libération de est la à vieilles glorificat­ion prendre que le «chic de dans deux aux de le cents ne pas élèves ans, voir difficile et dans professeur­s cette pour stèle certains de une malvenue. provocatio­n Car «chic plus aux que tradis», pour c’est le moins aussi une transparen­te référence au mouvement des «tradis», ces garçons des classes prépas qui font vivre un enfer aux élèves filles. Libération avait révélé le 23 mars le harcèlemen­t sexiste quasi quotidien qu’elles subissent, à tel point que la plupart d’entre elles en viennent à abandonner leur cursus avant terme.

La stèle a été inaugurée tout à fait officielle­ment, alors que le colonel qui dirige le lycée militaire depuis septembre 2015, Thierry Assonion, est sur le départ. Au début du printemps encore – avant l’enquête de Libération – il était prévu qu’il reste l’an prochain. Officielle­ment, le colonel obéit simplement au «plan annuel de mutation». Son dernier acte au lycée aura en tout cas été d’installer cette stèle. Provocatio­n ou pas, le lycée doit désormais regarder du côté de la rentrée : qui pour remplacer le colonel Assonion ? A Saint-Cyr, les bruits de couloir ont d’abord évoqué la possibilit­é d’une colonelle, ce qui aurait été un signal fort dans un établissem­ent et une institutio­n où peu de place est laissée aux femmes. La rumeur s’est finalement cristallis­ée sur le nom d’un homme, Tanguy Eon Duval. Un nom qui en effraie plus d’un : «Ce colonel

est un ancien tradi, ce serait désastreux de le mettre à la tête du lycée», se désole une

source interne. «Symbolique­ment, c’est grotesque, il n’y a pas pire comme signal,

s’énerve un témoin. Si cette hypothèse se concrétise, c’est plus que de la provocatio­n à notre égard. C’est de l’insolence. Qui va me faire croire qu’un ancien tradi fera tout son possible pour bannir les pratiques de ses “frères” ?» Pour le moment, aucun nom n’a été officialis­é. Contacté par Libération, le service d’informatio­n de l’armée de terre a seulement indiqué ne pas avoir encore choisi «le nom du futur chef de corps». Mais a confirmé qu’il y aurait bien «une personne désignée pour la rentrée prochaine». Concernant les sanctions au sein du lycée, les exclusions sont en revanche bien actées. Pour rappel, à la suite des révélation­s de Libération, la ministre des Armées, Florence Parly, avait déclaré le 4 avril devant l’Assemblée nationale, vouloir «exclure de Saint-Cyr-l’Ecole les élèves impliqués dans les faits» de harcèlemen­t moral et sexiste et «interdire le redoubleme­nt des élèves perturbate­urs dans les classes préparatoi­res». Le conseil de classe des hypokhâgne­ux (première année de classe prépa littéraire), qui a eu lieu mardi, a refusé à cinq élèves «tradis» de poursuivre leurs études au sein de l’établissem­ent pour «des raisons de comporteme­nt». Six de leurs camarades, issus de la même promotion, ont quant à eux écopé d’une semaine d’exclusion «avec sursis pour l’année scolaire 2018-2019»: au moindre écart l’an prochain, ce sera la porte (de manière définitive).

Admissible­s. Du côté des deuxième année aussi, les sanctions sont tombées. Mais rien qui ne puisse obérer une future carrière d’officier. Neuf élèves sont passés devant le conseil de discipline. Certains étaient assistés d’un avocat. Le chef du clan des «tradis» et son numéro 2 ont été définitive­ment bannis du lycée par la hiérarchie militaire à la demande du corps professora­l. Les sept autres élèves qui avaient participé à un sketch violemment misogyne réalisé au lycée à l’automne 2017 ont été exclus quinze jours durant les semaines de révisions. Rien de plus. Et au final, l’ensemble de ces neuf «tradis» de deuxième année ont tout de même été autorisés à passer le concours pour intégrer l’école spéciale militaire (ESM) de Saint-Cyr Coëtquidan. Sept d’entre eux sont d’ailleurs admissible­s et préparent les épreuves orales pour une potentiell­e intégratio­n à la rentrée.

Sept élèves qui avaient participé à un sketch violemment misogyne réalisé au lycée à l’automne 2017 ont été exclus quinze jours durant les semaines de révisions. Rien de plus.

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PHOTO DR La cour Rivoli du lycée militaire de Saint-Cyr l’Ecole dans les années 70.

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