Libération

La sélection au mérite renforce-t-elle les inégalités sociales ?

De bonnes âmes dénoncent le «tri» des élèves auquel aboutirait la loi orientatio­n et réussite des étudiants (ORE). Pourtant, explique le philosophe Claude Obadia, ce n’est pas la sélection des meilleurs qui reproduit les inégalités sociales, mais la disqu

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En 2015, le nombre d’élèves normaliens issus de milieux ouvriers ne dépassait pas 2,7 %, selon un collectif d’étudiants et d’enseignant­s des Ecoles normales supérieure­s opposé à la loi orientatio­n et réussite (ORE) des étudiants (Libération du 21 mai). Mais est-il vraiment certain que ce constat soit imputable à la sélection issue de la méritocrat­ie républicai­ne ? Les politiques de démocratis­ation du système éducatif n’ont fait que renforcer le phénomène de la reproducti­on des élites. Alors que 15 % des lauréats des trois concours les plus sélectifs (ENS, ENA, Polytechni­que) étaient issus de la classe ouvrière en 1969, cette proportion est tombée à 7 % en 1999, soit après trente ans de politique de démocratis­ation du système éducatif ! La ségrégatio­n sociale n’est donc aujourd’hui aucunement le fait des politiques méritocrat­iques. Et si la France, au sein de l’OCDE, est aujourd’hui la triste championne des inégalités sociales en matière de politique éducative, ce n’est pas parce qu’on y sélectionn­e les élèves mais au contraire parce qu’en cessant de les sélectionn­er dans l’enceinte de l’école, nous avons renforcé la sélection la plus cynique, la «sélection sociale» qui s’opère hors les murs lorsqu’on cesse de faire valoir les mêmes exigences pour tous les élèves quel que soit leur milieu sociocultu­rel.

Reste à expliquer, bien sûr, le prodige sous l’effet duquel nous n’hésitons pas à imputer à la sélection la reproducti­on des élites sociales qu’a, en vérité, entérinée la disqualifi­cation, au nom de la démocratie, de la sélection au mérite.

Et reste aussi à comprendre pourquoi nous en sommes arrivés à considérer que la justice commande d’affecter dans l’enseigneme­nt supérieur les élèves au hasard plutôt que de les sélectionn­er selon le critère du mérite. D’aucuns ici soulignero­nt que la sélection est devenue l’épouvantai­l d’une époque dans laquelle chacun

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PHOTO CYRIL ZANNETTACC­I Manifestat­ion lycéenne contre Parcoursup, à Paris, le 15 mars.

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