Une Ligue 1 de bleus et de bosses
Les plaques tectoniques ont bougé cette saison en Ligue1 (terminée depuis samedi soir) et une île a fini par se former loin du continent: les quatre premiers – Paris, Monaco, Lyon et Marseille – y ont mené une existence parallèle (l’entre-soi). Là-bas, la langue officielle est celle de la Ligue des champions (la plus prestigieuse des Coupes d’Europe, auquel le podium de Ligue 1 donne accès). On la cause partout, dans tous les coins, tout le temps, même en chuchotant. «Gros Quatre». L’OM a fini à 77 points (un record à cette place-là), soit un de plus que lors de son titre de champion de France en 2010 – les temps changent. Ren- nes, 5e, est à 19 points. OutreManche, les Anglais, confrontés depuis des lunes au phénomène, appellent ça le Big Four, soit quatre locomotives. Si la tendance perdure ici, il faudra trouver une appelation digne. «Gros Quatre», ce serait petit bras – quoiqu’officiellement, on dit bien «Ligue 1 Conforama». On retire quoi de ces 38 journées? Les yeux au beurre noir des cinq entraîneurs étrangers qui ont commencé la saison. L’Espagnol Unai Emery (PSG) ne rempilera pas (les Qataris se moquent de ses succès locaux, ils veulent l’Europe) et son compatriote Oscar Garcia (Saint-Etienne) a écrit une lettre aux supporteurs pour tout déballer : bien que démissionnaire (en novembre, dans des conditions étranges), il assure n’avoir réclamé aucun centime au club. Il y a quelques jours, l’Italien Claudio Ranieri (Nantes) a annoncé son départ (usé semble-t-il) et le Suisse Lucien Favre (Nice) – le plus préservé de tous – a fait de même ce week-end. Pieds nus. L’Argentin Marcelo Bielsa (Lille) fut quant à lui éjecté juste avant Noël, en dépit de sa position centrale : tout le projet du club nordiste (qui a frôlé la descente) reposait sur ses épaules d’éminence internationale. Son histoire s’est terminée aux prud’hommes et le championnat a perdu des compétences. Et puis ? Metz et Troyes descendent en Ligue 2, d’où il est de plus en plus difficile de revenir. Le système de barrages (pour l’accession) ressemble à une balade pieds nus sur l’autoroute : sur le papier, tout est réuni pour que le gros de Ligue1 en ballotage percute très fort le petit issu de division inférieure. Il y a des inégalités partout. Et des contrastes. Début mai, on a croisé Laurent Blanc (ex-coach du PSG) à Guingamp, dans les couloirs du stade. Ses indemnités de licenciement (on parle de 22 millions brut réglés par le club parisien) pèsent quasiment autant que le budget du club breton.
RAMSÈS KEFI