Nathalie Quintane
Depuis 1997, NATHALIE QUINTANE s’est imposée dans le monde de la littérature par son style inclassable, drolatique et politique. Elle publie en cette rentrée Un hamster à l’école : un récit sarcastique de sa traversée de l’Education nationale comme élève, étudiante et enseignante.
QUAND SES PROFS LUI ONT DIT QU’ELLE DEVRAIT FAIRE UNE PRÉPA LITTÉRAIRE – mot qu’elle entendait pour la première fois à 18 ans –, Nathalie Quintane a d’abord eu un mouvement de recul. Elle se voyait plutôt passer le concours pour devenir assistante sociale ou infirmière psychiatrique, des métiers dont elle percevait la nécessité autour d’elle, à Pierrefitte (Seine-Saint-Denis), où elle a grandi. Elle a pourtant suivi leur conseil et enseigne depuis maintenant trente ans dans le secondaire, en province. En parallèle, elle a publié plusieurs livres qui ont fait date, à la confluence de la poésie en prose, de l’essai et du récit politique, comme Chaussure (1997),
Que faire des classes moyennes ? (2016), Un oeil en moins (2018) et
Les enfants vont bien (2019). A 56 ans, l’écrivaine et poète, que
Les Inrockuptibles rencontraient une première fois en 2001 pour
Saint-Tropez – Une Américaine (P.O.L), retranscrit cette traversée de l’Education nationale dans Un hamster à l’école. Une odyssée désenchantée (mais pas résignée) entre récit, autobiographie et poésie, qui rend compte du quotidien du métier d’enseignant·e avec un irrésistible humour pince-sans-rire.
C’est du point de vue de l’élève que vous abordez le thème de l’école, et votre premier ressenti est celui d’un contraste social. Comment s’est-il manifesté ?
Nathalie Quintane — C’est au tout début des années 1980, j’ai 15 ans. Mes parents déménagent de quelques centaines de mètres, et dès lors je ne suis plus scolarisée en Seine-Saint
Denis, mais dans un très beau lycée public en bord de lac, dans le Val-d’Oise. Je découvre un autre monde, dont j’ignorais tout. Ce n’est pas d’une grande violence sociale, comme il est convenu de dire aujourd’hui. C’est plutôt une forme de surprise de voir que les jeunes gens de mon âge n’ont pas du tout les mêmes préoccupations que j’avais dans le collège où j’étais, où la queue de comète de Mai 68 était présente. On faisait bien sûr des maths, du français, de l’histoire, mais on parlait aussi beaucoup d’autres choses, à la limite de la géopolitique.
Quand je change d’établissement, c’est comme une brutale propulsion dans les années 1980
– le monde dans lequel, au fond, on est encore aujourd’hui. Il y a un recentrement sur une tâche assez précise – à savoir à l’époque avoir le bac. La préoccupation politique commence à se placer dans des sortes de cases ou de thèmes : Solidarnos´c´ pour ce qui se passe à l’Est, Touche pas à mon pote pour l’antiracisme. Ça devient des emblèmes, et non plus une forme de préoccupation globale de l’état du monde, de l’injustice, de la pauvreté, telle que je l’ai perçue quand j’étais dans le 93. J’ai compris que quelque chose se pensait et se jouait totalement différemment.