David E. Kelley : le retour du maudit
Derrière son casting féminin all stars et son réalisateur oscarisé, Big Little Lies est aussi l’oeuvre d’un scénariste mythique : David Edward Kelley. Un peu disparu des radars officiels ces dernières années, son nom fut longtemps synonyme de gloire et de fortune. Ancien avocat de Boston, formé à l’écriture sérielle par le producteur Steven Bochco – l’homme derrière New York Police Blues –, Kelley a fait ses armes sur des séries judiciaires et médicales, avant d’enchaîner les succès avec une flopée de shows cultes : Chicago Hope (1994-2000), The Practice (1997-2004) et surtout Ally McBeal, délirant portrait d’une avocate trentenaire, qui explosa les records d’audience de la Fox jusqu’en 2002. Auteur hyperactif, il inventa une télé à la fois pop et subversive, fondée sur un goût du décalage et de l’hybridation des genres, où le mélo s’infiltrait dans la comédie la plus catchy et où la politique venait parasiter les soaps a priori inoffensifs. Mais à cette période de gloire succéda la chute brutale : largué par l’apparition des séries d’auteurs et des nouveaux showrunners rois tel David Chase, Kelley multiplia les flops ( Legally Mad, Monday Mornings) et se brouilla avec tous les networks.
Big Little Lies lui offre enfin l’occasion de rebondir, dans un format – la minisérie – grâce auquel son style impétueux s’étoffe et atteint une nouvelle profondeur. “L’avantage de ce format, qui correspond en réalité à un long film de sept heures, c’est le temps, la liberté, remarquet-il. Dans les séries des années 1990, j’étais contraint par les obligations des ‘close-content’ : je devais écrire une histoire autonome par épisode, du début à la fin, et relancer le processus toutes les semaines. Là, avec Big Little Lies, j’ai pu creuser les personnages, m’émanciper des questions d’efficacité, aller au bout de mes idées.” Les audiences de la série décideront de l’avenir de cet auteur-phoenix, maître d’oeuvre discret mais précieux de la télé moderne. R. B.