Upside down
Boudry et Lorenz inversent les rôles pour faire bouger les lignes.
DJournal Notes from Backstage jusqu’au 17 mai à la galerie Marcelle Alix, Paris XXe, marcellealix. com ébusquer le singulier tapi dans la masse, lorgner du côté des marges, replacer au centre des figures oubliées ou caricaturées : voilà quelques- unes des obsessions de Pauline Boudry et Renate Lorenz, duo d’artistes installées à Berlin qui se présentent comme des “queer archéologues”. A la galerie Marcelle Alix, il faudra donc passer littéralement derrière le rideau de scène qui encadre l’ouverture de leur minuscule exposition pour découvrir deux piècesmanifestes. La première met en scène leur acteur fétiche, dans la peau de Jean Genet interpellant les techniciens du son chargés de l’interview qu’il donna à la BBC en 1985. Lors de cet entretien fameux, l’écrivain inverse les rôles, cherche à donner la parole à ces invisibles cachés derrière leur perche et leur micro. Ce reenactment est emblématique de la position des artistes qui invitent, à l’instar de Genet, à changer de place et de point de vue.
Le deuxième film exhume deux oubliées de l’histoire : Valerie Solanas, qui s’est distinguée pour avoir tiré sur Andy Warhol en 1968 ( quand elle fut aussi une féministe farouche, auteur du S. C. U. M. Manifesto), et la compositrice Pauline Oliveros, pionnière de la musique électronique et de l’écoute profonde. Pour l’occasion, Boudry et Lorenz réactivent une partition de cette dernière, datée de 1971, et fortement inspirée par le manifeste anarcho- féministe de la première. A l’écran, six musiciennes poussent à leur paroxysme cinq tonalités, créant un ensemble harmonique compétitif où une voix finit par l’emporter sur les autres. Mais au milieu de la partition, elles sont invitées à changer de rôle et, comme l’explique à l’époque Pauline Oliveros, à “absorber cette domination et la renvoyer à l’intérieur de la texture de la pièce. Si bien qu’à ce jeu de chaises musicales, toute forme de pouvoir tourne court.” C. M.