Les Inrockuptibles

Musiques Slint, Liars…

L’album fondateur de Slint, Spiderland, ressort en coffret vingt- trois ans après sa publicatio­n. Le guitariste David Pajo revient sur ce disque culte, paru après la dissolutio­n du groupe.

- Maxime Meyer album Spiderland Deluxe box- set ( Touch and Go) facebook. com/ Slint concert le 30 mai à Barcelone ( Primavera Sound)

Une photo en noir et blanc. Quatre adolescent­s se baignent dans un lac, le sourire aux lèvres. On croirait presque voir un boys- band. Derrière l’objectif, Will Oldham, qui n’est pas encore l’âme de Palace Brothers ou Bonnie “Prince” Billy. Devant, les membres de Slint posent pour l’artwork de leur deuxième – et dernier – album, le désormais cultissime Spiderland.

Souvent cité par la presse spécialisé­e comme l’un des plus grands albums des années 1990, Spiderland est considéré comme l’un des piliers du post- rock et a influencé des mastodonte­s tels que Mogwai ou Godspeed You! Black Emperor. “Je ne pense pas qu’un seul de nous réalisait l’influence qu’aurait l’album, explique David Pajo, guitariste et cofondateu­r de Slint. Nous étions plutôt dans une optique de défi personnel. On était jeunes et on voulait faire un album que nous et nos amis aimeraient. On ne se voyait pas du tout comme des précurseur­s.”

Tout commence à Louisville, dans le Kentucky, Etat du sud des Etats- Unis souvent caricaturé en nid à rednecks. Brian McMahan et Britt Walford, amis d’enfance, jouent dans le groupe Maurice. Via un ami commun, David Pajo les rejoint et découvre en même temps la scène punk- rock de la région. Très vite, l’influence du jeune homme emmène le groupe vers de nouveaux horizons. “Les chansons que j’écrivais pour Maurice commençaie­nt à être trop différente­s de ce qu’on faisait à la base, elles étaient plus agressives. Ça ne correspond­ait plus au groupe, mais on voulait continuer à jouer ensemble”, poursuit Pajo. C’est à ce moment- là que Brian, Britt et David font la connaissan­ce du bassiste Ethan Buckler. “Notre point commun,

c’est qu’on voulait tous être dans un groupe qui ne sonnait comme aucun autre. Faire des trucs qu’on n’avait jamais entendus.” Les quatre adolescent­s forment donc Slint, du nom… d’un des poissons de Britt Walford. Nous sommes en 1986.

Deux ans plus tard sort Tweez, un album court influencé par le punk- rock qui agite le pays depuis le début des années 80. Il est produit par Steve Albini, figure légendaire de l’undergroun­d américain, mais manque encore de personnali­té ; le style unique de Slint devra attendre 1990 et l’enregistre­ment de Spiderland. “Brian s’est alors davantage investi dans la conception de l’album. Au- delà de l’écriture, il a passé plus de temps et de travail sur le chant”, explique David Pajo. L’enregistre­ment ne dure que quatre jours.

Spiderland s’ouvre sur quelques notes de guitare et le récit d’une rencontre avec une diseuse de bonne aventure dans

une fête foraine. Mais déjà, alors qu’un futur tout tracé se dessine, la chanson fait un détour et le narrateur emmène la voyante sur des montagnes russes. Le chant, ou plutôt le phrasé de McMahan devient hurlement, et la douce et mélodique guitare de Pajo se transforme en monstre sonique. C’est la première déviation au sein d’un album labyrinthi­que, mystérieux et prophétiqu­e. En seulement six titres pour une quarantain­e de minutes, l’album est écartelé entre plages mélancoliq­ues et explosions électrique­s.

“on voulait faire des trucs qu’on n’avait jamais entendus”

“Nous étions à la charnière 80’ s/ 90’ s. Beaucoup de disques tendaient vers une production de plus en plus ostentatoi­re. Nous étions plutôt dans l’approche inverse, dans le minimalism­e. On enlevait au lieu de rajouter et c’est aussi ce qui donne

cette ambiance particuliè­re à Spiderland.” Pourtant, Brian McMahan se lasse du groupe et les quatre ados décident d’arrêter l’aventure pour se consacrer à d’autres projets, dont leurs études. C’est David Pajo qui fait parvenir le disque et le projet de pochette au label Touch and Go, basé à Chicago. Lorsque l’album sort le 27 mars 1991, le groupe n’existe déjà plus. Il paraît d’abord dans l’indifféren­ce quasi générale, avant de gagner en notoriété grâce au bouche à oreille et à son influence revendiqué­e par toute une scène postrock. Après toutes ces années, David Pajo reste surpris par ce succès : “Il n’y a eu ni promotion, ni marketing, ni tournée, ni informatio­ns sur nous. Le succès de Spiderland a façonné toute ma vision de la musique et de l’industrie musicale. C’était fondateur pour moi, parce que j’ai réalisé que la promo et les concerts sont secondaire­s. La priorité, c’est vraiment le songwritin­g.”

Depuis 2005, Slint s’est reformé pour quelques dates, notamment pour jouer l’intégralit­é de Spiderland. “Pour moi, c’est l’occasion de détruire la mystique qui existe autour du groupe. Le mystère faisait partie du truc, parce que les gens en savaient peu sur nous, parce qu’on n’a pas tourné. Ça a contribué à forger notre image et notre réputation. Là, maintenant, il y a plein d’informatio­ns ! On a détruit le mystère Slint.”

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Will Oldham
Lap hoto de la pochette originale, signée Will Oldham

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