Mines : le soleil plutôt que l’or !
Scoop à Rouez
Un projet de centrale solaire photovoltaïque sur le site de Chantepie, là même où ont été exploités pendant 4 ans les amas sulfurés d’or et d’argent extraits du sol, devrait se concrétiser sur une surface de 7 hectares.
Des panneaux solaires sur 7 hectares
Composée notamment de représentants de l’administration préfectorale, de Total, de la mairie de Rouez, d’associations environnementales et de riverains, la Commission de Suivi du Site de la mine de Rouez-en-Champagne, dite CSS Chantepie, s’est réunie, le 2 décembre dernier. Cette réunion a été marquée par une annonce qu’on peut qualifier de spectaculaire. Il s’agit du lancement d’un projet de centrale solaire photovoltaïque sur le site de Chantepie, là même où ont été exploités pendant 4 années les amas sulfurés d’or et d’argent extraits du sol.
Un représentant de la société Sunpower dont Total, propriétaire du site, est actionnaire à 60 %, a indiqué que les panneaux solaires s’étendront sur une surface de 7 hectares. La centrale aura une puissance de 5 MW et sera raccordée directement au réseau électrique sur la route départementale voisine.
« La moins mauvaise des solutions »
« Nous ne pouvons pas être contre tout… Nous restons opposés à toute extraction de métaux précieux dans notre secteur. Par contre, nous ne sommes pas défavorables au projet de panneaux photovoltaïques. C’est sans doute la moins mauvaise des solutions pour le site de Chantepie », fait savoir, Maurice-George, président de Rouez-Environnement, qui restera vigilant quoi qu’il arrive.
Projet viable ?
Pour le Collectif pour la Sauvegarde de la Charnie, « le devenir du site de Chantepie suscite encore de nombreuses questions ».
« Certes, ce projet de centrale solaire semble, a priori, séduisant. Les dirigeants de Total et de Sunpower indiquent qu’il est soutenu par le Ministère de l’Environnement et de l’Energie. Répondant aux objectifs de la loi sur la transition énergétique, il fera l’objet d’un appel d’offres et sera soumis à enquête publique après l’attribution du marché. Un bail sera passé entre Sunpower et Total.
Ce qu’il faut savoir, c’est que Total a déboursé en 2011, 1,38 milliard de dollars pour prendre la majorité du capital de Sunpower, deuxième groupe américain de l’énergie solaire. Après avoir remporté quelques succès, Sunpower a dû licencier 1200 salariés et fermer une usine aux Philippines. Pour surnager, la Société compte sur sa technologie de pointe, ses panneaux solaires offrant un meilleur rendement que ceux de la concurrence. Nous nous posons la question : compte tenu de l’instabilité actuelle du marché du photovoltaïque, le projet de Chantepie est-il économiquement viable ? »
Il reviendra aux pouvoirs publics de l’apprécier avant que le projet ne soit soumis à enquête publique. C’est à ce moment, avec l’étude d’impact qui incombe au pétitionnaire, que l’on pourra en savoir plus sur le contenu du projet et se prononcer en connaissance de cause.
Un voile sur le sac-poubelle ?
Autre question que se pose le Collectif Pour la Sauvegarde de la Charnie : « la centrale solaire ne vient-elle pas jeter un voile fort opportun sur un espace qui demeure gravement pollué ? ». Il constate que le « sac-poubelle » est toujours là avec ses 250.000 m3 de résidus miniers cyanurés cachés sous une colline de 15 mètres de haut. « Total, sous la pression répétée des associations environnementales, la nôtre, celle de Rouez Environnement qui a opéré les analyses de sol révélant notamment un taux d’acidité inquiétant et une présence de mercure anormale, a dû se donner les moyens pour enfin stabiliser les écoulements d’eaux pluviales.
Les dirigeants de Total ont accédé à la demande de notre Collectif de pouvoir visiter le site après la CSS.
Nous avons ainsi constaté avec satisfaction l’installation d’un drain pour traiter les écoulements d’eaux pluviales. Un équipement de 600.000 euros. Mais les représentants de Total n’ont pas répondu à toutes nos interrogations, se contentant d’affirmer que la situation était « conforme » ».
Dans tout cela, pas question de toucher au sac-poubelle. « On sait pourquoi : la facture en serait exorbitante ». On a parlé de 10 millions d’euros. Il en coûte généralement 450 euros pour neutraliser 1 m3 de terre polluée par quelques gouttes de mercure…
27 hectares enlevés à l’agriculture ?
« Constatons-le : le projet solaire enterre tout espoir de voir le site dépollué après l’arrêté préfectoral de 2002 qui avait validé l’état laissé par l’industriel exploitant de la mine, la société Elf-Aquitaine, aujourd’hui Total. Il enterre aussi les engagements signés par le même de « remettre en état le site pour usage agricole » (Etude d’impact de 1988).
Le site ne sera pas remis en état et ses 27 hectares sont enlevés définitivement à l’agriculture avec la bénédiction de l’Etat, en distorsion avec la préconisation exprimée par le ministre Le Foll lors de la COP 21 de multiplier les espaces agricoles partout où l’on pourra, en France et ailleurs, pour réduire le réchauffement climatique ».
« Plutôt que l’or, que brille le soleil ! »
Il faudra un jour dresser « le bilan désastreux de l’exploitation absurde » du gisement aurifère de Rouez. « Que l’on en tire des enseignements ».
En 1988, l’Etat avait autorisé l’ouverture de la mine car, selon les experts du BRGM, il y avait de quoi l’exploiter pour 25 ans.
Elle a cessé au bout de 4 ans, car elle n’était plus rentable. Les quelque 2 tonnes d’or et 7 tonnes d’argent extraites ont permis tout juste d’équilibrer les frais.
En 1986, la décision de lancer l’exploitation avait été rapportée à la suite d’une chute des cours de l’or. « Il eut été sage de s’en tenir là ». Mais deux ans après, les cours remontaient… « Aujourd’hui, coup de théâtre, on efface tout, enfin on essaye, en maquillant avec une centrale solaire un site artificialisé. Au moins le projet ferme la porte aux visées gourmandes de la société Variscan qui rêvait de rouvrir la mine. Plutôt que l’or, que brille le soleil, s’il doit épargner un nouveau désastre à la terre de Chantepie ! »
En attendant, Total fait actuellement des travaux à Chantepie « pour épurer toutes les eaux des ruissellements. Nous avons de bonnes relations de voisinage avec cette grande entreprise qui demeure propriétaire du site mais nous restons extrêmement vigilants. Et exigeons d’être informés régulièrement sur toutes les analyses, et ce, en toute clarté ».
Maurice George ne badine pas l’environnement. Le Collectif pour la Sauvegarde de la Charnie non plus.