Le Réveil Normand (Eure / Eure-et-Loir)
La Poste vend sa solidarité
Le dispositif « Veiller sur mes parents » est né fin mai au sein du groupe La Poste, le but ? Le facteur reste plus longtemps chez les personnes isolées (plutôt âgées) pour discuter et vérifier un service de télé-assistance une ou plusieurs fois par semai
En mai, La Poste a mis en place le dispositif « Veiller sur mes parents » pour les personnes âgées. En clair, le postier reste plus longtemps avec la personne et fait un compte-rendu à sa famille moyennant un abonnement. D’intention louable, ce dispositif a plus d’une ombre au tableau.
La volonté, bien que louable du dispositif « Veiller sur mes parents » a tout de même plus d’une ombre au tableau : premièrement, c’est payant, cela met donc de côté les personnes ne pouvant mettre la main au porte-monnaie pour y souscrire, deuxièmement les « visites » ne dépassent pas une dizaine de minutes.
Une personne de La HayeSaint- Sylvestre a rejoint à ce « service » . Elle s’appelle Evelyne Chaumereuil et a 96 ans. Retraitée, elle est bien loin de faire son âge. Quand vient l’heure de l’arrivée du courrier, elle est au comble du bonheur quand elle salue ses facteurs préférés venus lui déposer ses lettres. Madame Chaumereuil habite dans un lotissement du petit village de l’Eure, dans une impasse, où elle est la dernière habitante. « Ce n’est pas facile de vivre toute seule à mon âge » , se désole-t-elle. Amoureuse de ce coin depuis les années 80, elle a décidé depuis d’y habiter à plein-temps, à une époque où elle faisait « tout au jardin, on avait beaucoup de pieds de courgettes dans le potager » , se rappelle-t-elle avec nostalgie. De la famille, elle en a encore, un peu, une nièce à Gisay-laCoudre « mais elle n’est pas souvent là » et deux à Evreux.
10 minutes chrono
Alors, si son facteur préféré ne passait pas régulièrement elle ne verrait pas grand monde. Si ce portrait peut être caricatural (à l’image du spot publicitaire pour ce service diffusé par La Poste), il est pourtant courant aujourd’hui.
Son facteur préféré, c’est Frédéric Vanhollebeke, postier à la Barre- en- Ouche depuis plusieurs années. C’est lui qui passe régulièrement plus de temps chez elle pour vérifier si tout va bien. « On arrive à intégrer ce temps dans notre tournée (de livraison de courrier). On n’a pas plus
d’une personne à aller voir » . Entre 1300 et 1400 contrats de « Veiller sur mes parents » ont été souscrits en France, dont une centaine en Normandie, des débuts balbutiants pour ce nouveau service.
Un retour aux sources ?
Des visites longues, des discussions, des services ren-
dus, c’est ce que faisaient les facteurs à une époque où ils en avaient encore le temps dans leur tournée effrénée. Aujourd’hui « on revient à l’ancienne école mais avec un cadre légal » , explique le service communication de La Poste. Après la visite, « le facteur fait un retour à la
famille, il y a un suivi » . Il signale ainsi via sa tablette numérique s’il y a besoin de faire les courses, ou de repasser pour une visite, à toutes les personnes liées au contrat. Tout est mentionné, « qu’il n’y ait rien à signaler ou qu’on ait appelé le 112, tout est dématérialisé » . Et lorsqu’on pose la question qui fâche au
service communication, au sujet du glissement lent mais sûr de la monétisation des relations sociales la réponse ne se fait pas attendre « ça n’empêche pas les facteurs de dire bonjour aux gens, on profite du lien social pour mettre en place
des services en plus » . En particulier donc, la télé-assistance et les équipements numériques.
Le chemin que prend ce métier peut donc chagriner quelques personnes. Comment un corps de métier si enclin à créer du lien social de par sa proximité avec les usagers (qui deviennent ainsi aujourd’hui des clients) a pu doucement glisser sur la pente du capita-
lisme et du libéralisme…
Cela n’est pas la première fois que La Poste s’engage dans la « silver économie », c’est-àdire l’économie dirigée vers les seniors, il y a aussi les tablettes ardoise « des tablettes pour les personnes qui se lancent sur internet, le facteur vient
faire la prise en main » ou la livraison de médicaments à domicile, service lui aussi payant. Mais avec ce service, La Poste a passé un cap monétisant un peu de temps pour ces retraités ne voyant déjà pas grand monde contre des sommes plutôt onéreuses.