Ramon Grosfoguel, père fondateur du « décolonial »
Sociologue portoricain né en 1956, Ramon Grosfoguel devient, en 2001, professeur à l’Université de Californie – à Berkeley, centre névralgique des études postcoloniales puis décoloniales aux États-Unis. Disciple d’Edward Saïd, Grosfoguel inscrit ses recherches dans une démarche postcoloniale : malgré l’indépendance des pays du Sud, les postcoloniaux estiment qu’il existe des résidus du colonialisme (sur les plans politique, culturel, économique et dans l’inconscient collectif) dans les pays du Sud mais aussi dans ceux du Nord. Leur postulat de base est que le capitalisme libéral, en favorisant la recherche de nouveaux marchés, aurait poussé les États européens à coloniser les pays du Sud dans une logique tant impérialiste que mercantile. En se référant à des auteurs majoritairement occidentaux (Foucault, Deleuze, Derrida, Guattari, Lacan, Lévi-Strauss, etc.), les premiers disciples d’Edward Saïd estiment que l’Occident devrait désormais tourner véritablement la page coloniale, reconnaître son lourd passé et se débarrasser de son racisme inconscient à l’égard des peuples « subalternisés ». Grosfoguel fait partie, quant à lui, de l’école postcoloniale « latino » (Enrique Dussel, Walter Mignolo, Anibal Quijano). Selon ces penseurs, la colonisation ne commence pas après la révolution industrielle, mais débute en 1492 – date de la « découverte » des Amériques par Christophe Colomb –, soit près de trois siècles avant l’émergence du capitalisme en Europe. Ce n’est donc pas l’économie libérale qui pousse les États européens à coloniser le reste du monde, mais l’inverse : c’est la colonisation qui a permis la mise en place du capitalisme. Cette perspective, plus radicale dans sa critique d’un Occident intrinsèquement colonialiste (indépendamment de facteurs économiques), provoque au sein du mouvement un tournant « décolonial », dont Grosfoguel est un des pères fondateurs. Il s’est progressivement rapproché du Parti des indigènes de la République et de ses alliés, estimant que ce mouvement militant incarne la révolution décoloniale dont la France aurait besoin
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