Le Point

La Pottermani­a continue – trois livres, trois films, une pièce de théâtre. Mais ce sera sans celui qui a incarné Harry Potter. Il explique pourquoi.

- PAR MATHILDE CESBRON

«J ’ai dû l’arrêter, il allait se faire une tendinite ! » Daniel Radcliffe a beau ne plus être Harry Potter depuis six ans, les millions de fans qui ont grandi avec lui l’adulent toujours autant. Il pourrait les envoyer promener, las de cette Pottermani­a qui le poursuit depuis ses 10 ans, mais son impeccable politesse anglaise l’en empêche. D’où ces centaines d’autographe­s, signés à tour de bras au Festival de Deauville, jusqu’à ce que son attachée de presse ramène de force en coulisse ce jeune homme qui n’a plus d’âge.

Venu recevoir le prix du Nouvel Hollywood sur les planches normandes, l’acteur de 27 ans arbore une barbe clairsemée, des cheveux en bataille soignés, un visage pâle anguleux aussi singulier que magnétique et un regard bleu acier, d’un froid de glace, qui laisse deux options : se laisser envoûter ou fuir en courant. Au moment de lui serrer la main, on est surpris par sa maigre silhouette et son 1,65 mètre. « Vous voulez un café, un croissant ou peut-être un verre d’eau ? » se soucie-t-il, encore une fois si poli. Daniel Radcliffe sait y faire. Et ne soupire même plus lorsqu’on l’interroge quant à son retour éventuel sous la cape du petit sorcier. Car c’est LA question, celle qui obsède la puissante Warner, qui voudrait remettre la main sur lui pour que continue la saga aux 2 milliards de dollars de recettes…

Pour l’instant, il a dit non et a tout fait pour y échapper, allant jusqu’à oser la nudité totale (et frontale) pendant sept longues minutes dans la pièce de théâtre « Equus », qui racontait pourquoi un adolescent apparemmen­t sans soucis crevait, un jour, les yeux de six chevaux dans un accès de démence. Un temps, les représenta­tions londonienn­es se sont jouées à guichets fermés. Pour de mauvaises raisons ? « Tout le monde venait voir l’autre baguette magique de Harry Potter. Mais je n’écris pas du porno, pour l’amour de Dieu ! » se souvient, désespéré, le dramaturge Peter Shaffer. Au cinéma aussi, il a multiplié les rôles à contreempl­oi, jouant un agent du FBI infiltré dans un gang terroriste néonazi (« Imperium ») ou celui d’un cadavre sujet aux flatulence­s (« Swiss Army Man »).

Mais rien à faire : Harry et lui, c’est pour la vie, même si le jeune homme assure vouloir prendre ses distances avec la saga au moment où J. K. Rowling relance la machine avec une pièce de théâtre (« Harry Potter et l’enfant maudit ») et une nouvelle série de films (dont « Les animaux fantastiqu­es »). « Si je reprends le rôle de Harry Potter à 40 ans, c’est que j’aurai foiré ma carrière. A la limite, je veux bien céder à un retour de flamme mais dans longtemps, comme Harrison Ford pour “Star Wars”. » Pour l’aider dans sa dépottéris­ation, on lui a proposé de casser symbolique­ment la baguette magique en plastique qu’on lui avait apportée pour notre séance photo. Refus poli : « Je ne veux rien dire ou commettre de méchant vis-à-vis de Harry Potter… » Hésiterait-il encore ?

Le Point : Vous faites du cinéma depuis quinze ans et on vous sacre seulement maintenant « visage du Nouvel Hollywood »… Vexant ? Daniel Radcliffe :

J’ai longtemps été jaloux de mes amis Dane DeHaan et James McAvoy, qui ont commencé jeunes et ont tout de suite reçu des prix. Moi, je n’ai jamais rien eu, c’est vrai… Mais c’est sûrement parce que, enfant, je n’étais pas du tout bon acteur. Ce prix à Deauville, d’accord, c’est une forme de reconnaiss­ance pour mon travail sur « Potter », mais aussi, j’espère, pour tout ce que j’ai fait depuis. Un peu comme si on me disait : « Continue, tu tiens le bon bout. » Je pense être utile avec mes films. Par exemple, « Imperium » parle des terroriste­s qui ne sont pas affiliés à un groupe islamiste. On l’a vu quand Dylann Roof a assassiné tous ces gens dans une église noire de Charleston. Le FBI ne l’a pas qualifié de terroriste mais d’extrémiste, de forcené, de loup solitaire. J’espère qu’après avoir vu le film certains se diront : « Ah oui, tous les terroriste­s ne sont pas des musulmans. »

Newspapers in French

Newspapers from France