Chine, complètement à l’ouest ?
C’est la plus belle ouverture de l’année : des corps survoltés et euphoriques dansent sur le « Go West » des Pet Shop Boys, hymne électro-kitsch invitant à gagner « une terre promise » . Nous sommes en 1999, et la jeunesse chinoise s’apprête à faire ce grand bond vers l’utopie occidentale. Dans « Au-delà des montagnes », l’un des sommets du dernier Festival de Cannes, Jia Zhang-ke ose le mélodrame pour raconter la Chine du passé, du présent et du futur. A Fenyang (ville de naissance du réalisateur), trois amis d’enfance forment un triangle amoureux. La belle Tao doit choisir entre Jinsheng et Liangzi. L’un, ambitieux gérant de station-service, croquera le nouveau capitalisme à pleines dents. L’autre, mineur, restera au charbon. La fresque de Jia Zhang-ke les suit, eux et leurs enfants, sur trois époques, jusqu’à s’aventurer en 2025 dans une Chine mondialisée et coupée de ses racines comme de sa langue. De 1999 à 2025, l’écran se sera élargi (le film passe du format carré communiste au Scope sophistiqué), les voitures auront pris du volume et les dollars coulé à flots. Mais le « Go West » des Pet Shop Boys, véritable fil rouge musical, prend aussi une tournure ironique et désenchantée, jusqu’à laisser le spectateur complètement bouleversé. Balzac des vertigineuses mutations économiques et sociales de son pays (« Still Life », « A Touch of Sin », « The World »), le génial Jia Zhang-ke gagne en ampleur romanesque, mais n’en reste pas moins le cinglant chroniqueur d’un empire du Milieu de plus en plus à l’ouest « Au-delà des montagnes », en salles le 23 décembre.