Le Point

Chine, complèteme­nt à l’ouest ?

- PAR THOMAS MAHLER

C’est la plus belle ouverture de l’année : des corps survoltés et euphorique­s dansent sur le « Go West » des Pet Shop Boys, hymne électro-kitsch invitant à gagner « une terre promise » . Nous sommes en 1999, et la jeunesse chinoise s’apprête à faire ce grand bond vers l’utopie occidental­e. Dans « Au-delà des montagnes », l’un des sommets du dernier Festival de Cannes, Jia Zhang-ke ose le mélodrame pour raconter la Chine du passé, du présent et du futur. A Fenyang (ville de naissance du réalisateu­r), trois amis d’enfance forment un triangle amoureux. La belle Tao doit choisir entre Jinsheng et Liangzi. L’un, ambitieux gérant de station-service, croquera le nouveau capitalism­e à pleines dents. L’autre, mineur, restera au charbon. La fresque de Jia Zhang-ke les suit, eux et leurs enfants, sur trois époques, jusqu’à s’aventurer en 2025 dans une Chine mondialisé­e et coupée de ses racines comme de sa langue. De 1999 à 2025, l’écran se sera élargi (le film passe du format carré communiste au Scope sophistiqu­é), les voitures auront pris du volume et les dollars coulé à flots. Mais le « Go West » des Pet Shop Boys, véritable fil rouge musical, prend aussi une tournure ironique et désenchant­ée, jusqu’à laisser le spectateur complèteme­nt bouleversé. Balzac des vertigineu­ses mutations économique­s et sociales de son pays (« Still Life », « A Touch of Sin », « The World »), le génial Jia Zhang-ke gagne en ampleur romanesque, mais n’en reste pas moins le cinglant chroniqueu­r d’un empire du Milieu de plus en plus à l’ouest « Au-delà des montagnes », en salles le 23 décembre.

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Romanesque. Après le très noir « A Touch of Sin », Jia Zhang-ke ose le mélodrame avec « Au-delà des montagnes ».

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