La recherche ? Des idées et des rêves…
Développer une idée qui peut changer le monde… Les chercheurs s’éloignent souvent de cette voie.
« L es
idées, c’est cela qui fait tourner notre économie », avait déclaré Obama en lançant la pharaonique Brain Initiative par laquelle les Etats-Unis prétendent au leadership mondial en neurosciences. « Nous investissons dans les meilleures idées avant tout le monde », poursuivait-il, et c’est vrai : aucun pays ne sait mieux que les Américains doter une idée révolutionnaire en moyens. La France n’a pas cette dynamique de l’audace, elle qui a raté des génies comme Pierre Omidyar (eBay), Cheick Modibo Diarra (Nasa) ou Franck Zal (qui a découvert que l’hémoglobine d’arénicole est universellement transfusable).
Le public n’en est pas assez informé, la recherche fondamentale, cette utopie idéaliste, anticonformiste et pleine d’audace, qui était hier entre les mains de Newton, Planck, Einstein, Bohr, Pasteur, Feynman ou Noether, n’est plus qu’un moulin à données. Le chercheur, censé avoir pour seul objectif de poser l’esprit là où aucun humain ne l’a posé avant lui, est le plus souvent un « data zombie », une machine à mouliner de la donnée, voire, bien trop souvent, à la truquer, pour prendre sa place dans une vaste course de dupes que l’on appelle l’indice H (le classement des articles par nombre de citations). Autrefois Einstein écrivait : « Je crois en l’intuition et l’inspiration […] l’imagination est plus importante que la connaissance, car la connaissance est limitée, alors que l’imagination embrasse tout l’univers, stimulant le progrès, fécondant l’évolution. A strictement parler, elle est un facteur réel de la recherche scientifique. » Aujourd’hui, le chercheur tire sa persévérance des classements académiques. Il ne s’agit plus de la même recherche. Avec le recul, les générations suivantes verront dans cette recherche une forme de scolastique médiévale, doxa autoproclamée et jalouse, destinée à être balayée par une nouvelle renaissance scientifique anticonformiste, comme Galilée, Bruno, Copernic ou Léonard ont été les hérétiques à l’orthodoxie bréhaigne de leur temps. Tout récemment, l’excellent Yehezkel Ben-Ari, parce qu’il est directeur émérite à l’Inserm et qu’il peut donc s’exprimer librement, a publié à propos du Humain Brain Project une tribune limpide dans Les Echos : « La vraie innovation se fait toujours en dehors des sentiers battus. Il eût été plus judicieux de distribuer 1 million d’euros à un millier d’équipes ayant chacune un projet audacieux, mais circonscrit. Certes, une partie d’entre eux n’auraient rien donné, mais la petite fraction de travaux innovants aurait largement compensé ces pertes et permis d’effectuer de vrais sauts qualitatifs. Mais cela ne cadre pas avec la vogue actuelle des “grands projets” et la volonté de retour sur investissement garanti. »
Qu’est-ce qui doit motiver la recherche, donc ? Les idées et les rêves. Les idées ou les rêves peuvent changer le monde. Les données qui ne sont portées par aucune idée ni aucun rêve ne l’ont jamais fait. Qu’a dit Martin Luther King pour fédérer l’Amérique : « J’ai un rêve » ou « J’ai des données » ? Alors que devrait dire le chercheur à ceux qui le paient ? Tout Homo qui n’est pas sapiens est une aliénation. Homo academicus est plus petit que Homo sapiens, et Homo dataensis est plus petit encore
Le chercheur est devenu un « data zombie », une machine à mouliner de la donnée, voire à la truquer.