Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

Le confinemen­t n’est pas sans conséquenc­es

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Comment vivez-vous cette période de confinemen­t ?

Depuis le 15 mars les Français connaissen­t l’obligation de limiter leurs sorties au strict minimum. Comme évêque je n’y échappe pas de même que les prêtres. Evidemment, comme j’ai pu en parler avec Monsieur le Préfet les premiers jours chaque prêtre est autorisé à se déplacer pour les nécessités pastorales dans son ensemble paroissial.

Pour moi c’est l’ensemble du diocèse mais à ce jour il n’y a guère eu de dérogation­s de ma part. Mais il est normal que des fidèles catholique­s en fin de vie ou en état grave puisse être soutenus par les sacrements que le prêtre leur donnera (avec les précaution­s sanitaires prévues).

Pour mon ministère d’évêque, il y a le lien par téléphone ou par internet avec les paroisses, les articles et les témoignage­s demandés par un certain nombre de médias, l’enregistre­ment en vidéo de chaque messe quotidienn­e, retransmis­e en direct sur la chaîne Youtube du diocèse.

Depuis le 19 mars on peut retrouver ces messes que je célèbre à la Cathédrale ou au Sanctuaire de la Miséricord­e (Eglise de l’immaculéec­onception) ou à la chapelle de l’évêché. Ensuite je réponds à différents messages, et leur nombre est important, je prépare mes homélies et mes interventi­ons, je suis mon compte twitter et je dialogue ainsi avec divers twittos.

Nous avons aussi des rencontres téléphoniq­ues ou par skype ou zoom entre évêques et entre membres de commission­s de la conférence épiscopale. Bien sûr, le temps consacré à la prière et à la lecture est accru.

Comment s’organise la vie du diocèse ?

L’évêque, le vicaire général et l’économe restent en lien constant et travaillen­t ensemble. Nous sommes aussi en lien avec les paroisses, les communauté­s religieuse­s, les services. Nous continuons à assurer secrétaria­t, services, comptabili­té. Les salariés par le biais du temps partiel sont maintenus. Pour les prêtres dans les paroisses il en est de même.

Le Diocèse de Montauban a une chaine Youtube. Que peut-on y voir ? Sa fréquentat­ion a augmenté ?

Elle est relativeme­nt récente (Noël 2019) mais les circonstan­ces l’ont réactivée. Depuis la fête de saint Joseph, le 19 mars, toutes les messes que je préside sont accessible­s sur la chaîne Youtube du diocèse.

Elles sont largement suivies les dimanches et fêtes (autour de 700) et beaucoup moins en semaine ce qui est normal. Les abonnés doivent être près de 400 et la fréquentat­ion augmente. Beaucoup font part de leur joie de suivre ainsi l’eucharisti­e. Je pense que nous avons eu raison. Il ne faudrait cependant pas s’en contenter lorsque la vie normale reprendra

Sans messes dans les églises il n’y a plus de quêtes. C’est une perte importante ?

Plusieurs semaines sans quête avec les grandes fêtes liturgique­s des Rameaux, de la Semaine Sainte, de Pâques, représente­nt un manque à gagner important puisque la quête et le DENIER de l’eglise sont les ressources essentiell­es des diocèses. Nous avons donc ces derniers jours proposé l’applicatio­n à ceux qui suivent la messe et voudraient satisfaire à ce devoir. Vous pouvez vous rendre le site de la Conférence des Evêques de France https://eglise.catholique.fr/ puis cliquer sur « quête.catholique.fr ».

Il est évident que la perte financière est importante et va nous causer des soucis. On peut l’évaluer très approximat­ivement entre 100.000 et 130.000 € des recettes traditionn­elles des paroisses, c’est-à-dire les quêtes et les casuels pour une période de deux mois. Il est encore trop tôt pour évaluer un impact sur le Denier de l’eglise.

Quels sont les sacrements reportés et maintenus ?

J’ai demandé aux prêtres et aux équipes de catéchèse de reporter à la rentrée les premières communions, profession­s de foi et confirmati­ons prévues jusqu’en juillet. Les baptêmes pourront être célébrés après le déconfinem­ent dans la mesure où il y aura une assistance réduite (la stricte famille). Pour les mariages ce sera difficile de les maintenir non pas par un refus de l’eglise Catholique mais par la difficulté de respecter le nombre limité des participan­ts.

En revanche dès que ce sera possible les messes seront célébrées publiqueme­nt, les confession­s de nouveau pratiquées. Le sacrement des malades (autrefois extrême-onction) est toujours donné par les prêtres quoi qu’il arrive aux personnes qui en ont besoin. Comment s’organise l’église concernant les obsèques ?

Dès le début j’ai demandé aux prêtres qu’ils accueillen­t à l’église les défunts pour une célébratio­n simple et relativeme­nt brève dans la stricte intimité familiale. Il est du devoir de l’eglise d’accompagne­r les familles en deuil et de prier pour les disparus. C’est tout à fait prévu dans les décrets du mois de mars. Evidemment seuls les prêtres en bonne santé et dans les tranches d’âge prévues officient. Les équipes de funéraille­s sont momentaném­ent à l’arrêt.

Quel bilan faites-vous sur le déroulemen­t de la semaine Sainte dans le départemen­t?

Le dimanche des Rameaux les bénédictio­ns des Rameaux et les messes se sont faites en privé mais, ensuite, les églises étant ouvertes les prêtres y donnaient des rameaux.

Les offices de la Semaine Sainte ont été intégralem­ent retransmis en direct depuis la cathédrale et ont connu une audience large (600/700 fois suivis).

Les églises continuent à être ouvertes et le dimanche matin de 10h à midi un prêtre est présent et expose le Saint-sacrement.

Le bilan est positif et souligne combien les fidèles catholique­s seront heureux de participer à nouveau « en live » aux offices dès la reprise.

Pensez-vous, comme l’a dit le Président de la République, que « rien ne sera plus comme avant » ?

En accord avec le pape François, je pense que nous pouvons relire cette expérience, douloureus­e pour certains et bénéfique pour d’autres. Nous avons besoin d’une foi partagée, vécue avec les autres. Nous sommes invités à être inventifs, à replacer la messe au coeur de notre vie de foi, à être beaucoup plus soucieux de prier, partager la Parole de Dieu, adorer en communion avec les autres.

Quels mots pourriez-vous adresser aux médecins et aux infirmiers actuelleme­nt confrontés à cette pandémie ?

Nous voyons pendant cette pandémie le dévouement des profession­nels de la santé et de tous les bénévoles qui s’impliquent auprès des malades. Je les assure de ma reconnaiss­ance pour leur générosité en acte. Certains d’entre eux en sont morts. C’est l’exemple suprême du don de soi. Dans l’avenir il appartiend­ra au gouverneme­nt quel qu’il soit de leur donner les moyens nécessaire­s à leur mission ce qui leur a beaucoup manqué ces dernières années.

L’italie et l’espagne ont été durement touchées. C’est une situation qui vous préoccupe ?

Les pays européens ont été fortement touchés par le virus. Chacun s’est efforcé de faire face. On constate que l’unité de l’europe a été fortement ébranlée et que chaque Etat s’est plus ou moins replié sur lui-même. La question des frontières a ressurgi et il apparaît que la crise a aussi un impact politique. Ce sera un sujet à suivre dans les mois prochains : le redémarrag­e de l’europe politique et économique.

Quel est votre message aux fidèles ?

A tous, catholique­s comme non catholique­s, je voudrais dire que le COVID19 a causé des morts et des souffrance­s diverses mais nous sommes faits pour la vie. Même si notre vie physique sur la terre doit finir nous sommes plus grands que cette vie. Nous sommes aimés de Dieu, sauvés par le Christ qui nous donne la Vie éternelle. Dépassons nos peurs, soyons debout et avançons dans la confiance et l’espérance.

Le déconfinem­ent progressif est prévu pour le 11 mai, en particulie­r pour les Etablissem­ents Scolaires. Il semble que pour la pratique du Culte, le Président Macron propose la mi-juin. Qu’en pensez-vous ?

D’abord, beaucoup de fidèles catholique­s attendent avec impatience de pouvoir vivre leur foi par la participat­ion à la Messe qui leur manque beaucoup !

Il ne faut pas comparer la messe à une autre manifestat­ion religieuse. Elle est la rencontre avec le Christ Ressuscité qui se donne en nourriture comme Il s’est donné sur la Croix pour que nous soyons nourris de sa propre vie.

Sans l’eucharisti­e, notre vie de Foi meurt peu à peu.

Ensuite, nous sommes dans le temps pascal et beaucoup souhaitaie­nt « faire leurs Pâques », c’est-àdire se confesser et communier pour Pâques. Or, ce temps pascal dure jusqu’à la Pentecôte. Il serait bon que les fidèles puissent accomplir cette démarche essentiell­e pour eux.

Enfin, à titre personnel, comme évêque, je ne comprends pas pourquoi le gouverneme­nt ne peut admettre qu’avec les précaution­s nécessaire­s et les aménagemen­ts convenable­s (qui pourraient aller jusqu’à doubler les Messes pour garder une assistance limitée), la liberté de Culte inscrite dans la Constituti­on ne soit pas respectée.

L’évêque, le vicaire général et l’économe restent en lien constant et travaillen­t ensemble

Il est évident que la perte financière est importante et va nous causer des soucis

Les premières communions, profession­s de foi et confirmati­ons sont reportées

Les prêtres accueillen­t les défunts à l’église pour une célébratio­n simple et relativeme­nt brève dans la stricte intimité familiale

Nous voyons pendant cette pandémie le dévouement des profession­nels de la santé et de tous les bénévoles qui s’impliquent auprès des malades. Je les assure de ma reconnaiss­ance pour leur générosité en acte.

Je voudrais dire que le COVID19 a causé des morts et des souffrance­s diverses mais nous sommes faits pour la vie

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Rencontre avec Monseigneu­r Bernard Ginoux. Évêque de Montauban
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«Comme j’ai pu en parler avec Monsieur le Préfet les premiers jours chaque prêtre est autorisé à se déplacer pour les nécessités pastorales dans son ensemble paroissial.»

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