Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne
Merah : enfin, un procès
"Imad, Mohamed, Abel, Jonathan, Gabriel, Arieh, Myriam"
ly a plus de cinq ans, sept personnes dont trois enfants étaient froidement exécutés par Mohamed Merah au nom du jihad: le frère du tueur, Abdelkader, 35 ans, est jugé à partir de lundi pour "complicité" dans cette affaire qui annonçait une mutation du terrorisme en France.
Le procès devant la cour d'assises spéciale de Paris intervient dans un contexte de menace terroriste persistante, après une vague d'attentats sans précédent qui, à la suite des tueries de Merah, a coûté la vie à 239 personnes, notamment dans les attaques de janvier 2015 à Charlie hebdo et l'hyper Cacher, du 13 novembre à Paris et Saint-denis et du 14 juillet 2016 à Nice.
Abdelkader Merah est accusé d'avoir "sciemment" facilité "la préparation" des crimes de son frère en lui fournissant un blouson et en l'aidant à dérober un puissant scooter utilisé lors des faits. A ses côtés, comparaîtra un délinquant toulousain, Fettah Malki, 34 ans, qui a reconnu avoir fourni à Mohamed Merah un gilet pare-balles, un pistolet-mitrailleur Uzi et des munitions utilisés par le tueur.
Si les deux accusés reconnaissent la matérialité des faits, ils contestent avoir connu les intentions criminelles de Mohamed Merah. Abdelkader Merah risque la réclusion criminelle à perpétuité, Malki, vingt ans de prison.
Mohamed Merah a tué sept personnes: le militaire Imad Ibn-ziaten, 30 ans, le 11 mars 2012 à Toulouse puis, le 15, deux parachutistes de Montauban, Abel Chennouf, 25 ans, et Mohamed Legouad, 23 ans, avant d'assassiner le 19 dans une école juive toulousaine Jonathan Sandler, 30 ans, ses fils Arié et Gabriel, 5 et 3 ans, et Myriam Monsonégo, 8 ans. Retranché dans un appartement, il y fut abattu le 22 mars par la police.
Les attaques ont été revendiquées par le groupe jihadiste Jund al Khalifat, affilié à Al Qaïda, et dirigé par le tunisien Moez Garsallaoui. L'emir aurait adoubé Mohamed Merah et l'aurait initié aux maniement des armes lors d'un voyage du Franco-algérien en octobre 2011 dans les zones tribales du Pakistan.
"Surnommé ‘Ben Laden’ "
Commis en pleine campagne présidentielle, ces assassinats ont plongé la France dans une nouvelle forme de terrorisme.
Radicalisation en prison, dissimulation, utilisation d'armes de poing, action solitaire cautionnée par un groupe terroriste, mort en "martyr"... l'affaire Mérah a "cassé tous les codes préexistants", contraignant le renseignement, la police, la justice et le législateur à adapter les lois et les techniques d'investigation, a souligné le juge antiterroriste Christophe Teissier lors d'un colloque.
Pour ces raisons, le procès, prévu pour durer un mois devant une cour composée de magistrats professionnels, sera emblématique d'une évolution du terrorisme moderne, même si la justice a refusé qu'il soit filmé, comme le réclamaient des parties civiles arguant de "sa portée historique". Preuve de l'intérêt qu'il suscite, 139 journalistes sont accrédités pour suivre les débats auxquels doivent participer 49 témoins et 11 experts devant 23 avocats et 232 parties civiles.
"La singularité de ce procès c'est qu'il s'inscrit à un moment historique où on n'en a pas fini avec les vagues terroristes jihadistes", souligne Me Simon Cohen, représentant 160 parties civiles dont des familles de l'école juive, pour qui la justice a un rôle éducatif à jouer pour répondre "à cette forme d'activisme sanguinaire".
"Quant aux familles, ceux qui imaginent qu'un procès peut être pour elles une réparation se trompent. Les douleurs restent intactes, les larmes aussi nombreuses. Le sang ne sèche pas", a-t-il ajouté.
Surnommé "Ben Laden" dans son quartier, Abdelkader Merah, était, comme son frère, connu des services antiterroristes pour sa proximité avec d'autres membres de la mouvance islamiste radicale toulousaine, comme les frères Fabien et Jean-michel Clain, les voix des revendications des attentats du 13 novembre.
Dans leurs conclusions, les juges d'instruction soulignent la proximité idéologique et religieuse des deux frères et leurs contacts répétés les jours précédents les tueries. Pour eux l'accusé ne pouvait "ignorer l'orientation jihadiste de son frère qu'il avait contribué à forger".
La Justice a refusé que le procès soit filmé