Le Gallic, une histoire du XXe siècle
Éphémère hôtel de 1927 et 1939, Le Gallic est aussi une architecture issue d’une prouesse technique symbolisant l’architecture Art Déco de l’Entre-DeuxGuerres, à Dinard. Philippe Viger, l’un de ses habitants, s’est passionné pour son histoire et a même créé un blog qui réunit toutes les recherches qu’il a effectuées pour lui restituer sa mémoire.
Philippe Viger, qu’est-ce qui vous a amené à travailler sur l’histoire du Gallic ?
Cet immeuble m'a fasciné depuis mon enfance. Je me suis toujours intéressé à l'architecture de l'Entre-deux guerres. J'ai réalisé un jour mon rêve, c'est-àdire celui d'y habiter. Lorsque j'ai commencé mes recherches, personne ne pouvait me donner le nom de l'architecte. Par chance, j'ai trouvé une carte postale où il y avait ce nom, Marcel Oudin.
Au fil de mes découvertes, je me suis rendu compte que mon appartement comprend la chambre où a dormi Pablo Picasso. La facture du séjour de Picasso à Dinard est conservée au musée Picasso à Paris et il y a le numéro de la chambre qu'il occupait.
Il a fallu 15 ans de travaux de recherches pour reconstituer la mémoire du Gallic. J'ai créé un blog pour mettre en ligne toutes mes recherches et toute la documentation que j'ai pu réunir sur l'immeuble.
Inauguré dans les années vingt, Le Gallic Hôtel était une prouesse tant en terme de temps de construction
que de technique ?
L'inauguration de l'immeuble a eu lieu le 4 juin 1927. Il s'est édifié en un an. C'était surtout une prouesse technique parce qu'il a été construit avec une structure en poutrelle de béton compensée par un remplissage avec des parpaings, ce qui fait qu'il n'y a pas de mur porteur. En Bretagne, c'était la première fois qu'on construisait quelque chose d'aussi grand sur ce principe-là.
L'architecte a donné un style de façade en gradin sur la mer et des façades en paravent sur le boulevard Féart. Ce bâtiment introduisait de la modernité dans une ville qui vivait encore comme au XIXe siècle d'un point de vue architectural.
Pourquoi n’est-il pas resté un hôtel ?
L'hôtel a fermé en 1939, au moment de la déclaration de guerre et n'a jamais rouvert. Dinard commençait à perdre sa vocation mondaine et la crise de 1929 était passée par là. À partir des années vingt, les habitudes ont changé. Les populations allaient sur la Côte d'Azur l'été, alors qu'auparavant on y allait l'hiver par crainte de la chaleur. C'est l'époque de la création de Juan-les-Pins, de toutes ces stations nouvelles. La Bretagne n'attirait plus car était venue la mode du bronzage. La vie avait complètement changé après la guerre de 14.
Il est évident que, au sens commercial, l'hôtel Le Gallic a été construit trop tard, car la vogue de la Bretagne était passée. Elle allait devenir ce qu'elle est aujourd'hui, c'està-dire un lieu de stations touristiques familiales. Dès 19371938, la décision avait été prise de convertir l'hôtel Le Gallic en appartements.
Comment ce bâtiment a-til vécu la Seconde Guerre mondiale ?
Le Gallic a servi d'hôpital pendant les quatre ans d'occupation, à la fois par l'armée française au moment de la déclaration de guerre puis c'est l'armée allemande qui s'est installée dedans. Les façades avaient beaucoup souffert des bombardements et puis sa fermeture en 1939 faisait que c'était une affaire qui n'était plus rentable. Il y avait beaucoup de réparations à faire dessus.
La rotonde qui abrite l’actuel office de tourisme n’existait pas à l’origine. Comment est venue l’idée de la construire ?
À l'inauguration de l'hôtel, il n'y avait pas encore de rotonde, la façade était lisse. À l'arrière, il y avait la salle à manger, qui est aujourd'hui devenue l'espace Pablo-Picasso. Le décor est d'origine, c'est très bien conservé.
À partir des années 19281930 va se généraliser la pratique du restaurant pour des personnes extérieures à l'hôtel et c'est dans cet esprit que la rotonde fut construite.
Après la Seconde Guerre mondiale, l'ensemble a été acheté par Monsieur Lancien, garagiste, qui avait créé sa compagnie d'autocars pour transformer une partie des jardins en une gare routière qui existe toujours aujourd'hui. Il faisait des voyages vers le Cap Fréhel ou vers le Mont Saint-Michel à une époque où les gens n'avaient pas beaucoup de voitures. Monsieur Lancien avait compris que le tourisme commençait à évoluer, et que les gens voulaient un mode de déplacement pratique. Les gens attendaient l'autobus à la gare routière et achetaient leur billet dans cette rotonde qui servait de salle d'attente.
La rotonde a ensuite été entre les mains de différentes compagnies d'autobus, dont la famille Berrezai, jusque dans les années 1970. La Ville de Dinard l'a ensuite achetée en 1974 ainsi que tous les locaux qui sont derrière, soit environ 750 mètres carrés. L'office de tourisme, qui était auparavant rue du Maréchal-Leclerc, a donc pris ses quartiers dans la rotonde jusqu'à aujourd'hui.