Le Pays d'Auge (Édition Sud)

Michèle Le Tourneur a été gravement blessée par une grenade incendiair­e

Michèle Le Tourneur habite Crouay, près de Bayeux. Elle avait 10 ans en 1944 et vivait chez ses parents à Saon, toujours dans le Bessin. Elle a été blessée par une grenade incendiair­e lancée par les Américains.

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En 1940, Michèle avait 6 ans et l’Occupation allemande l’a beaucoup traumatisé­e. « Les Allemands logeaient à la maison. On ne pouvait rien faire. On avait peur de tout. Ils étaient les maîtres, faisaient ce qu’ils voulaient. On faisait attention à tout ce qu’on disait, car ils pouvaient mal interpréte­r des mots ».

Beaucoup de personnes de leur entourage avaient quitté leur maison. Le père de Michèle voulait, lui aussi, partir, contrairem­ent à son épouse. Michèle et sa famille vivaient à la ferme. Son propriétai­re, officier de la Première Guerre mondiale, est parti quelque temps avec sa famille. Quand il est revenu, une croix gammée était dessinée sur la pelouse de leur maison. La Kommandant­ur était installée.

❝ L’instituteu­r, un homme extraordin­aire, avait enregistré les enfants sous le nom de la mère. Il était très courageux, il a risqué sa vie pour eux. MICHÈLE LE TOURNEUR

Une famille juive à Crouay

Parmi les souvenirs de Michèle, l’arrivée d’une famille, dont le père était juif, dans la commune. Cette dernière a été accueillie par le maire de l’époque. Le père de famille n’est pas resté vivre à Crouay, abandonnan­t sa femme et ses enfants. Ces derniers étaient scolarisés à l’école communale où les Allemands venaient vérifier la liste des écoliers tous les jours.

« Ma petite Mimi, on va mourir, on va mourir »

Le père de Michèle avait fait une tranchée avec près de 3 000 fagots. Il y avait un gros fossé et des arbres. Il pensait qu’ils étaient bien protégés, mais malheureus­ement, on voyait un peu l’entrée. Le 10 juin, au matin, les Américains, en passant au calvaire de Saon, aperçoiven­t cette entrée et pensant qu’il y avait des Allemands cachés, ils ont lancé une grenade incendiair­e. « J’étais seule avec une dame. Tout a pris feu. On était incapable de sortir, nous étions blessées. C’était une véritable souricière. »

« Ma petite Mimi, on va mourir, on va mourir », s’écriait la dame. Elle avait les deux jambes arrachées. « Moi, j’étais blessée au bras, j’ai eu un éclat d’obus dans l’oeil et j’avais des brûlures à la cuisse », se remémore Michèle. Par miracle, cette dernière a été sauvée par un employé de la ferme venu à son secours.

Gravement blessée, le frère de Michèle a parlementé pour avoir une ambulance. Vers midi, Michèle fut emmenée dans un hôpital américain construit dans les marécages de Saint-Laurentsur-Mer. C’est là qu’elle a eu ses premiers soins et transfusio­ns. Après cinq jours, la petite fille a été transférée à l’hôpital de Bayeux. Le bras de Michèle, en mauvais état, pose question aux médecins qui s’interrogen­t sur une éventuelle amputation. Les avis des spécialist­es divergent, le temps passe et l’infection se propage. En huit jours, Michèle perd la vue et ont lui retire l’oeil.

Les Fleurs de la Mémoire

Son vécu, Michèle souhaite le transmettr­e aux plus jeunes. Son rêve se réalise quand elle ouvre ses chambres d’hôtes. Elle y a notamment reçu le vétéran américain Franck Tower, un ancien GI américain qui venait fleurir les tombes de ses camarades. Il est revenu plusieurs années.

« Un jour, on ne pourra plus venir fleurir nos copains », at-il confié à Michèle.

En 2000, elle crée l’associatio­n Les Fleurs de la Mémoire.

« On s’engage à fleurir les tombes choisies une fois par an. On s’engage aussi à témoigner auprès des jeunes ». Elle conclut : « Je ne remerciera­i jamais assez ceux qui ont donné leur vie pour notre Liberté ».

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