Le Nouvel Économiste

Le mauvais roman noir du Conseil de sécurité de l’ONU

Quand le droit est bafoué par ceux-là mêmes qui sont censés en assurer la protection

- MAELSTRÖM MOYEN-ORIENTAL, ARDAVAN AMIR-ASLANI

C’est absolument extraordin­aire que l’ensemble des pays censés garantir l’ordre mondial et assurer le respect de la charte des Nations unies, à savoir les cinq membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU, soient engagés dans des initiative­s qui en bafouent les principes. p

En effet, c’est le monde à l’envers. LesÉtatsp Unis et la Grande-Bretagne sont les principaux fournisseu­rs de soutien logistique et d’armement à l’Arabie saoudite dans la guerre tragique que ce pays mène à l’encontre du peuple yéménite. Une guerre qui, à la date d’aujourd’hui, a fait plus de 30 000 morts civiles et a mis 8 millions de Yéménites dans une situation de crise alimentair­e qui rappelle celle du Biafra. Une crise qui ne manquera pas d’avoir des conséquenc­es au niveau de toute une génération d’enfants amoindris, tant physiqueme­nt que moralement. Dernièreme­nt, la prise du port d’Hodeida entrave même l’accès de l’aide humanitair­e. L’exportatio­n par la France de canons Caesar en Arabie saoudite en 2017 et la continuité des prestation­s de maintenanc­e en 2018 est à mettre à la même enseigne que les ventes d’armes américaine­s et britanniqu­es, même si leur importance est moindre. Incontesta­blement, ces canons ont contribué, grâce à leur système de guidage basé sur le pointage par centrale inertielle qui permet de calculer très précisémen­t l’emplacemen­t des cibles, à des violations graves du droit internatio­nal humanitair­e.

États de droit, États voyous

La Chine, pour sa part, semble avoir redécouver­t son goût pour les camps d’internemen­t. Un million de musulmans Ouïghours de la région Xinjiang s’y trouvent enfermés. La crainte des Chinois face à cette minorité ethnique est totalement disproport­ionnée. La Chine, dont les réserves pétrolière­s sont principale­ment situées dans cette province, craint la création d’un “Turkestan” musulman indépendan­t. Depuis le début des années 90, Pékin s’est attelé à modifier la démographi­e de la région dans une initiative qui n’est pas sans parallèle avec ce que ce pays a fait subir au Tibet. Un véritable repeupleme­nt de la province par des Huns afin d’altérer la compositio­n démographi­que de ce “Turkestan” mythique, accompagné de la destructio­n de mosquées et de monuments historique­s. La Russie, quant à elle, continue sa croisade en Syrie. Même si on peut considérer que le combat contre Daech a ses mérites que l’Occident dans son ensemble ne saurait ignorer, les bombardeme­nts indifféren­ciés d’Idlib risquent d’entraîner des morts civiles par milliers qu’aucun droit au monde ne saurait tolérer, même en tempsp de gguerre. Ce qqui distingue un État de droit d’un État voyou est justement le respect octroyé en temps de guerre à la population civile.

Enfin, pour couronner le tout, les menaces des sanctions américaine­s à l’encontre des magistrats et procureurs de la Cour pénale internatio­nale, une émanation de l’ONU, marque un summum dans le mépris du droit internatio­nal. Le conseiller à la Sécurité nationale de l’administra­tion Trump n’a pas mâché ses mots lorsqu’il a menacé les personnes mêmes des magistrats de la cour pour le cas où une enquête ou une décision serait rendue à l’encontre des États-Unis ou d’Israël. Non seulement les États-Unis se proposent de leur interdire l’accès du pays, mais de surcroît de confisquer leurs avoirs et d’introduire des procès contre eux dans le système judiciaire américain. L’histoire du droit n’a jamais connu des menaces proférées par un pays à l’encontre des personnes mêmes des magistrats d’une juridictio­n internatio­nale. C’est du jamais vu.

Si ce qui précède ne s’était vraiment réalisé, on aurait pu croire que cet état de fait relève de la fiction. Un mauvais roman noir. Hélas, c’est ça le Conseil de sécurité aujourd’hui.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France