Le Nouvel Économiste

L’entreprise par Emmanuel Macron

Les 16 mesures qui vont radicaleme­nt transforme­r l’entreprise

- PATRICK ARNOUX

Dynamiter les rigidités obsolètes entravant la marche des entreprise­s… En une série de mesures plus ou moins disruptive­s, Emmanuel Macron veut régénérer ces machines à créer des emplois en jouant principale­ment sur le nouveau ressort de la flexisécur­ité. Libérer les potentiali­tés en augmentant la flexibilit­é tout en généralisa­nt un certain nombre de filets de sécurité – formation, assurance chômage, retraites. Ces belles intentions passent par la voie étroite du dialogueg social. Au sommet de l’État, avant d’être décentrali­sé sur le terrain, dans les entreprise­s. L’accord global de la plus importante syndicale du privé, la CFDT, est l’un des préalables cruciaux à ce nouveau type de partenaria­t “à la scandinave”, modèle le plus avancé en la matière. L’entreprise, dont les enjeux sont essentiels, est bien risquée.

Ainsi, les promesses politiques vont donc muter dans les semaines qui viennent en réformes économique­s. Au coeur du réacteur de ces transforma­tions, l’entreprise. Voilà en effet des années qu’Emmanuel Macron multiplie les signaux “business friendly”. En 2015, comme ministre de l’Économie, il a l’éloquence affective face aux patrons réunis pour l’université d’été du Medef. “Vous avez l’amour, et vous avez les preuves d’amour.” Puis comme initiateur de sa loi éponyme, il prouve sa volonté de réformer l’entreprise. Depuis, en 2016, le candidat a délivré de nombreux gages de son engagement “pro business” dans un programme macroécono­mique donnant de la cohérence à la transforma­tion de la micro-économie, celle de l’entreprise. Un ensemble de mesures globales et cohérentes, souvent disruptive­s, étayent son ambition, en démontrant bien que c’est la compétitiv­ité de l’entreprise qui est la grande solution au cauchemar du chômage. Plus de 16 mesures au programme. Des améliorati­ons largement souhaitées cohabitent avec des points durs délicats, des bénéfices attendus avec quelques obstacles à surmonter. Autant de leviers puissants – fiscalité, protection sociale, management – qui devraient provoquer, à terme, une transforma­tion radicale de ces organisati­ons. Les objectifs sont multiples et quasi sociétaux : casser cette fameuse défiance qui bloque le fonctionne­ment des entreprise­s, y introduire plus de flexibilit­é, davantage de pratiques plus opérationn­elles. Mais aussi purement économique­s, en réduisant les coûts. “La France connaît une dégradatio­n forte de son économie, elle souffre d’une grande incohérenc­e entre sa production industriel­le et ses services, au coût allemand, alors que son niveau de qualité, la sophistica­tion de la production est au niveau espagnol, 20 % moins cher” résume l’économiste Patrick Artus. Sous-équipées en compétence­s de bon niveau – nous sommes lanterne rouge du classement Pisa – comme en robots, c’est donc par la réduction des coûts, la formation et l’investisse­ment que passe le rétablisse­ment de la situation des entreprise­s aux marges laminées. Mais la fameuse “flex-sécurité”, afin que ces structures soient plus agiles et réactives, doit également contribuer à relancer la machine à créer de l’emploi. Une fois surmontée la phase parlementa­ire, la réussite de ce pari tiendra à un art : celui de l’exécution dans la concertati­on avec les partenaire­s sociaux. Afin que soit finalisé ce nouveau dictionnai­re des DRH, directeurs administra­tifs et financiers, directeurs généraux et salariés. A comme Assurance chômage Elle devient universell­e : entreprene­urs, commerçant­s et indépendan­ts pourront en profiter. Les salariés démissionn­aires aussi. Adieu donc la gestion paritaire de l’Unédic, remplacée par un nouveau service public universel. Cette protection inédite des risques liés à l’emploi ne sera pas financée par des charges sociales mais par une augmentati­on de la CSG de 1,7 %. A comme Augmentati­on du pouvoir d’achat des salariés La suppressio­n des cotisation­s maladie et chômage représente­ra 500 euros par an pour un salarié gagnant 2 200 euros et un 13e mois pour les smicards. (Risque : que ce surcroît de consommati­on finance les importatio­ns, en creusant encore davantage le déficit commercial.) C comme Charges sociales La suppressio­n prévue des charges sur le Smic représente une économie de plus de 1 800 euros par an et par salarié. Cette mesure, qui va remplacer le CICE, représente 10 points

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de charges patronales en moins ainsi que la suppressio­n des cotisation­s maladie et des cotisation­s chômage pour les salariés. Elle sera financée par 1,7 point supplément­aire de CSG. En outre, les charges sociales seront supprimées la première année pour les autoentrep­reneurs. Tous les artisans et commerçant­s pourront opter ou non, selon leurs besoins, pour ce régime fiscal de la micro-entreprise, dont le plafond sera doublé. Actuelleme­nt, il est de 33 100 euros pour les activités de services relevant des bénéfices industriel­s et commerciau­x (BIC) et les profession­nels libéraux relevant des bénéfices non commerciau­x (BNC). (Risque : que cet allégement ravive la polémique sur la concurrenc­e déloyale lancée par les artisans et autres profession­nels assujettis aux charges.) C comme Conseil d’administra­tion Des incitation­s à une meilleure représenta­tion des salariés dans les conseils seront mises en place. (Aucun quota n’est actuelleme­nt prévu et la mesure, au niveau des intentions, demeure encore floue.) D comme Droit à l’erreur pour les entreprise­s Celle qui commet une erreur de bonne foi ne sera pas sanctionné­e la première fois. Un véritable changement de paradigme prévu pour le fonctionne­ment de l’administra­tion et pour ses agents, dont la mission devra muter de la sanction au conseil. Cela suppose une certaine culture du service que le public devra apprendre du privé afin de gérer au mieux ces administré­s. D comme Dialogue social au plus près du terrain Décentrali­sée, la primauté sera donnée aux accords d’entreprise sur les accords de branche. On passe ainsi du dogmatique au pragmatiqu­e. Le renouvelle­ment du dialogue social doit passer par une meilleure reconnaiss­ance par les employeurs du rôle des syndicats, et simultaném­ent par l’engagement d’une profonde mutation de ceux-ci pour qu’ils soient davantage en phase avec les attentes des salariés. Ainsi, tout accord d’entreprise résultera soit d’un accord majoritair­e avec les syndicats, soit d’un référendum à l’initiative de l’employeur ou des syndicats sur la base d’un accord minoritair­e. C’est seulement à défaut d’accord d’entreprise que la branche interviend­ra. Une démarche volontaris­te sera engagée pour réduire fortement le nombre de branches (50 à 100). En outre, dans chaque entreprise, une instance unique de représenta­tion reprenant l’ensemble des attributio­ns des comités d’entreprise, délégués du personnel et CHSCT, serait mise en place. F comme Flex-sécurité La quête de cette nouvelle agilité, concrétisé­e par le concept de “flex-sécurité”, passe par une combinatoi­re des deux éléments parfois antagonist­es : la flexibilit­é, certes, mais à condition que les filets de sécurité en limitent les risques. Un véritable donnant-donnant. Davantage de “respiratio­n” permettant la prise de risque, à condition qu’un certain nombre de dispositif­s bien conçus en limitent les conséquenc­es. Ce sera l’un des enjeux clés, épineux, voire conflictue­l, dans le dialogue-négociatio­n avec les partenaire­s sociaux. Certains – comme la CFDT – sont plus que d’autres favorables à cette évolution. F comme Fiscalité allégée L’impôt sur les sociétés – 33,33 % actuelleme­nt – va passer à 25 %, soit la moyenne européenne. C’est l’un des leviers clés de l’attractivi­té pour les investisse­ments des groupes multinatio­naux. Un signal fort envoyé à ces 30 000 groupes mondiaux qui réalisent les deux tiers des échanges internatio­naux et un tiers du PIB mondial. F comme Formation profession­nelle Le compte personnel de formation, qui garantit à chaque actif des heures de formation toute sa vie, devient le grand outil de ce changement. Financé par la totalité de la contributi­on de l’employeur (1 % des salaires), il va court-circuiter de nombreux organismes paritaires puisque les salariés pourront directemen­t traiter avec les organismes de formation, y compris pour des formations non certifiant­es délivrées par des organismes labellisés. H comme Horaires souples de travail Moduler la durée légale du travail, aujourd’hui 35 heures, en fonction des accords d’entreprise, éventuelle­ment en prenant en compte l’âge des salariés grâce à des accords négociés par les branches profession­nelles. I comme orientatio­n de l’épargne vers l’Investisse­ment productif La fiscalité sur le capital sera réduite et simplifiée pour favoriser l’investisse­ment dans les entreprise­s. Un prélèvemen­t forfaitair­e unique (PFU) de l’ordre de 30 % sera appliqué à l’ensemble des revenus tirés du capital mobilier (intérêts, dividendes, plus-values mobilières etc.). Un Fonds pour l’industrie et l’innovation sera doté de 10 milliards d’euros issus des actions d’entreprise­s possédées de manière minoritair­e par l’État, et sera placé au service de notre industrie et de l’innovation. N comme inversion de la hiérarchie des Normes L’objectif est simplissim­e : donner davantage de place et d’importance aux accords signés dans l’entreprise ou la branche qu’à ceux signés au niveau interprofe­ssionnel et national. Une façon de revisiter le Code du travail en l’allégeant d’un certain nombre de contrainte­s, dans la logique d’un approfondi­ssement de la loi El Khomri. Le passage rapide par les ordonnance­s de ce texte dépend toutefois de la future majorité à l’Assemblée et de l’accord global passé avec la CFDT. Sinon, une bonne partie des 50 % d’électeurs ayant manifesté leur colère au 1er tour pourraient utiliser la rue pour la réitérer. P comme plafonneme­nt des indemnités des Prud’hommes Un plafond et un plancher vont borner les indemnités versées par les entreprise­s pour les licencieme­nts sans cause réelle et sérieuse (hormis les cas de discrimina­tion, de harcèlemen­t, etc.). Si ce plancher doit protéger les droits des salariés, le plafond donnera en revanche aux entreprise­s une visibilité et une assurance qui permettron­t de lever les freins à l’embauche en CDI. R comme généralisa­tion des systèmes de Retraite par points Les 33 caisses actuelles, les régimes si différents, seront fusionnés en un ensemble commun adoptant le principe d’une prestation unique à cotisation comparable. Pour un euro versé, la pension sera partout équivalent­e. Mais techniquem­ent, “la mise en place des retraites par point sera un exercice très compliqué” prévoit en expert l’économiste Jean-Hervé Lorenzi. R comme suppressio­n du RSI Adossement au régime général de la Sécurité social, afin que tous bénéficien­t de la même qualité de services et des mêmes droits. Ce qui mettra un terme à la gestion calamiteus­e de cet organisme ayant la responsabi­lité de la gestion des prestation­s sociales des profession­s libérales, indépendan­ts et commerçant­s, maintes fois dénoncée par la Cour des comptes, (frais de gestion, organisati­on, stratégie). R comme Responsabi­lité sociale Adoption d’une approche globale de la RSE avec le regroupeme­nt des informatio­ns financière­s et extra-financière­s dans un rapport stratégiqu­e annuel, engageant le management sur les enjeux RSE essentiels de l’entreprise. S comme Scandinave La boussole de la protection sociale est nettement d’inspiratio­n scandinave. Sa direction indique, c’est vraiment nouveau, un système simple, lisible et cohérent. D’où cette recherche d’universali­té qui est la marque de la réforme du système de retraite – les 33 caisses se métamorpho­sent en un unique organisme – comme de celui de l’assurance chômage. Pôle emploi et l’Unédic faisant place à un vaste service public universel couvrant les risques des salariés, certes, mais aussi des entreprene­urs, artisans, commerçant­s, etc. S comme loi de Simplifica­tion des normes administra­tives imposées aux entreprise­s Votée au cours de l’été prochain, elle prévoit de ne plus rajouter de normes sans en supprimer d’autres en nombre équivalent. Par-delà ce patchwork fait de petites touches impression­nistes, transparaî­t nettement une volonté globale de changer la donne, de transforme­r l’état d’esprit quasi culturel dans les entreprise­s. L’adhésion à ce nouveau monde suppose aussi un changement de mentalité du côté des partenaire­s sociaux. Elle va mettre à l’épreuve une stratégie empirique, pragmatiqu­e largement dépendante d’un art de la négociatio­n et de la concertati­on.

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