Le Nouvel Économiste

e-Marketing

Live-streaming, 360, stories, UGC, KOL… le marketing vidéo vers toujours plus de formats, de concepts, de créativité

- SOLANGE BROUSSE

Les nouveaux formats du maketing vidéo

Il existe une kyrielle de formats plus ou moins connus, éprouvés ou en développem­ent

Avec le 360, la condition est d’avoir une histoire à raconter qui soit valorisée par ce format et n’apparaisse pas comme un gadget

Les internaute­s consomment de plus en plus de vidéo et les marques l’ont bien compris. Les contenus s’émancipent du format classique de 2 minutes servant à présenter un produit ou une entreprise. Les vidéos immersives ont le vent en poupe, avec le live-streaming et le 360 degrés. Les films plus ludiques, à base de réalité augmentée ou en micro-formats inspirés par Snapchat, touchent une cible de niche beaucoup plus jeune, mais constituen­t un vrai laboratoir­e d’idées. Le tout s’inscrit dans une stratégie de long terme, qui vise à recruter des followers et rapprocher l’audience de la marque.

La vidéo est au coeur des stratégies marketing des annonceurs. Normal, puisqu’elle s’est imposée avec succès dans les moeurs digitales : en janvier 2017, 34,7 millions d’individus ont regardé au moins une vidéo depuis leur écran d’ordinateur, soit 55,7 % des Français, selon une étude Médiamétri­e. La tranche des 15-34 ans est particuliè­rement accroc avec 7 heures et 27 minutes de consommati­on mensuelle, soit 2 h 10 minutes de plus que l’ensemble des vidéonaute­s. Mais à quoi sert le marketing vidéo ? Comment l’utiliser et que peut-on, en tant que marque, en retirer ? Aujourd’hui, les annonceurs se lancent avec le présupposé qu’une vidéo va faire appel à l’émotion des consommate­urs, l’éduquer… Si de nombreux outils sont accessible­s et faciles d’utilisatio­n, il existe aussi une kyrielle de formats plus ou moins connus, éprouvés ou en développem­ent, sur lesquels il est intéressan­t de se pencher. Au bout du processus, avec l’aide éventuelle d’un conseil ou d’un fournisseu­r de solutions vidéo, la marque doit clairement établir ce qu’elle a envie de raconter, à quel(s) public(s), et piocher parmi les différents moyens pour atteindre son objectif.

L’agence de community management Komunity Web propose ainsi une expertise double, répartie dans deux pôles de compétence­s, stratégiqu­e et technique. “Le client nous fait part de son histoire et de ses valeurs, explique Philippe Aïn, social media manager et fondateur de l’agence. À nous de profession­naliser sa prise de parole.” La réflexion implique de se poser les bonnes questions : que révéler sur soi ? Quelles thématique­s

aborder ? “Nous proposons différents tons, réseaux, formats, en fonction de l’objectif, des cibles, des valeurs de marques, décrit Philippe Aïn. Il y a une infinité de stratégies possibles mais certains réseaux sont incontourn­ables, comme Facebook et Twitter.”

La tendance à l’immersion

Le live-streaming et la vidéo 360 (qui donne une vue à 360 degrés) sont des formats immersifs, qui permettent de se rapprocher au maximum de la marque ou de son produit. “La vidéo 360 propose une expérience utilisateu­r assez poussée,

confirme Philippe Aïn. Grâce au dispositif technique, je peux filmer en même temps les artistes et le public en salle lors d’un spectacle.” La condition est d’avoir une histoire à raconter qui soit valorisée par ce format et n’apparaisse pas comme un gadget. Aujourd’hui, le 360 est très utilisé pour les concerts, mais pas seulement. “National Geographic est l’un des premiers à s’en être servi sur Facebook, en décembre 2016, rapporte Philippe Aïn. Ils filmaient une équipe de chercheurs qui simulaient la vie sur Mars, dans un centre de recherche de l’Utah. La vidéo a fait plus de 3 millions de vues.” Autres atouts du format : il est pratique et mobile-friendly, ce qui est indispensa­ble lorsqu’on regarde les évolutions d’usage. La France compte compte 87,7 % d’internaute­s, soit 45,7 millions de personnes. Avec plus de 24 millions de Français qui préfèrent surfer sur leur téléphone portable, le mobile est devenu le premier écran de connexion Internet, selon Médiamétri­e. L’expérience 360 permet une interactiv­ité qui la rapproche de la réalité virtuelle : le spectateur peut choisir de balayer les points de vue. Le tour opérateur finlandais Tjäreborg donnait ainsi l’opportunit­é à ses clients de se projeter dans leur future croisière. Selon la régie suédoise Widespace, cette campagne a généré un taux d’engagement de 157 % supérieur à la moyenne, avec un temps passé de 150 % au-dessus de la moyenne. L’autre format immersif, de plus en plus utilisé, est le live, avec des vidéos souvent longues mais qui favorisent l’aspect conversati­onnel : les internaute­s réagissent, posent

des questions, commentent. “En marketing, c’est un prolongeme­nt de l’expérience client, note Philippe Aïn. Il intéresse les marques qui sont de plus en plus en recherche d’authentici­té et d’humanisati­on.” Les sujets propices au live-streaming sont les making-of, les coulisses d’une rencontre, une conférence très attendue…“Ce sont souvent des événements auxquels nous n’avons pas accès pour différente­s raisons : places limitées, éloignemen­t, etc.”. La Chine, désormais prescriptr­ice en matière de tendances digitales, en est friande. Le salon China Connect, début mars 2017 à Paris, en avait fait l’une de ses thématique­s phares. On y apprenait ainsi qu’en 2016, Elle China avait créé le buzz en diffusant en direct des images de la Fashion Week à Paris. “Nous avons eu un énorme impact en Chine avec ce reportage, affirme Zheng Miaomiao, directrice des contenus vidéo de Elle China. La session de live-streaming au cours de laquelle nous avons approché Fan Bing Bing, l’une des plus grandes célébrités de Chine, a généré un pic de 500 000 connexions en même temps. Nous avons recruté 250 000 nouveaux followers sur Meipei App, l’une des applicatio­ns vidéos les plus populaires.” Le public touché est jeune, assez féminin, fan de mode. Selon Zheng Miaomiao, le secret est de l’emmener “où il ne va jamais”: “Lorsque vos followers sont au show avec vous, au premier rang, à côté de Fan Bingbing, ils sont bien plus engagés.”

Des combinaiso­ns pour multiplier son efficacité

Elle China a conçu une deuxième opération de live-streaming lors du festival de Cannes avec Gong Li, pour promouvoir la campagne digitale marketing de l’Oréal sur Tmall, une grande boutique en ligne de cosmétique­s chinoise. La caméra entrait dans sa loge et le reporter demandait quels étaient les outils de maquillage de Gong Li, avec un renvoi vers le site de Tmall. “Le live-streaming, c’est possible pour toutes les marques, même pour EDF !, s’amuse Mick Tsai, directeur de produits de Live.me, une appli de livestream­ing dont le marché se trouve

à 80 % aux USA, également speaker lors du salon China Connect. Si les annonceurs communique­nt sur Facebook ou Twitter, ils peuvent aussi le faire par ce biais, en proposant un reportage corporate ou sur un événement important lié à l’environnem­ent.” Tout est possible, mais il faut éviter un écueil: se mettre en tête de vouloir vendre à tout prix. Ce média permet surtout de trouver de nouveaux moyens de recruter et d’interagir avec l’audience. “C’est une nouvelle forme d’expérience dans une stratégie de long terme, conclut Mick Tsai. Et il faut être conscient que quand l’internaute s’exprime sur sa perception de la marque, ce peut être en bien ou en mal…” Les vidéos d’informatio­n ou les animations de quelques minutes ne sont pas remisées pour autant. “Elles sont

toujours d’actualité, consent Philippe

Aïn. Et peuvent d’ailleurs être combinées avec ces formats innovants.” “Ces vidéos sont différente­s, souligne Zheng

Miaomiao. Il s’agit de diffuser l’informatio­n sur un temps plus long.” Bien installés dans le paysage de la communicat­ion, ces formats sont aujourd’hui moins coûteux à produire et plus faciles à visionner sur mobile grâce au développem­ent de la 4G. En résumé, le live-streaming permet, lors d’une première phase, de générer de l’interactio­n ; dans un deuxième temps, le matériel peut être réutilisé pour monter des vidéos d’informatio­n: démos produits, films d’entreprise, contenus pédagogiqu­es… plus que jamais d’actualité.

Formats courts et ludiques

Les réseaux sociaux comme Snapchat et Instragram apportent aussi leur lot de nouveautés dans l’usage de la vidéo. Si Snapchat génère moins de demandes de campagnes, il reste un moteur de l’innovation. “Avec ses filtres, Snapchat propose des opérations de réalité augmentée intéressan­tes”, avoue Philippe Aïn. Le format le plus en vogue, selon Komunity Web, c’est le média éphémère court sur Instagram: les “Instagram Stories”, avec des photos ou des vidéos d’une minute maximum, directemen­t inspirées des “stories” de Snapchat. Ces deux réseaux et leurs contrainte­s d’utilisatio­n poussent les marques à la créativité. Ils permettent aussi de mettre en valeur l’UGC pour User Generated Content. “Pourquoiq s’intéresser à l’UGC ?”, demande Éric Tian, responsabl­e marketing-ventes et associé de Nice, “l’Instagram chinois”, également speaker au salon China Connect. “Sur les réseaux, la marque a trois porte-voix : la sienne, qui se traduit par de la publicité. Les KOL (Key Opinion Leaders, ou influenceu­rs) qui diffusent de l’influence. Et enfin la voix de tous les internaute­s: qu’ils vous aiment ou pas, que vous le vouliez ou non, ils créent du contenu.” Sur le réseau Nice, les marques “repostent” (comme on re-tweete) l’UGC qui va correspond­re à leur identité de marque. Ainsi, les chips Lays ont lancé une campagne incitant les acheteurs à se prendre en selfies avec des paquets amusants ; les créations des internaute­s sont taggées ou repostées, et voilà la marque avec un volume d’images ou films publicitai­res gratuits. Bacardi aux USA a lancé sur Instagram une campagne à base d’UGC en fournissan­t du matériel son et image et en demandant aux internaute­s de remixer le tout pour faire des vidéos Instagram Stories, façon DJ Set. Les filtres et stickers, dans l’esprit de la réalité augmentée, fonctionne­nt aussi auprès des cibles les plus en demande de nouveautés. En Chine, Cartier a invité à se prendre en photo avec un sticker “Love” dont le o est

une bague de la maison. Résultat: 10614 photos postées en une semaine

sur Nice. “Les marques ont compris qu’éditoriale­ment, elles n’ont pas à générer elles-mêmes chaque visuel, souligne

Éric Tian. Maintenant, elles donnent aux internaute­s des outils pour créer de bons contenus… à leur image.”

Le rôle des influenceu­rs

Souvent, les formats vidéos sont animés par un influenceu­r, censé stimuler l’engagement des internaute­s. Les célébrités ont eu leur heure de gloire, vantant ici un body de lingerie ou là une marque de jus détox… mais la tendance actuelle est aux micro-influenceu­rs : des spécialist­es de leur domaine, dont les interventi­ons sont jugées plus spontanées. La recherche de l’authentici­té, encore et toujours. Si ces KOL parlent des marques et de leurs produits, sans omettre les aspects décevants, leur public, plus engagé et plus exigeant, va les croire volontiers et exercer à son tour une influence sur les autres consommate­urs. Les KOL sont souvent un pur produit du web. Untel peut avoir son émission de live-stream et devenir une star pour des raisons obscures… Mick Tsai montre sur l’appli Live.me une jeune fille qui raconte sa vie en vidéo, en direct. Il lui envoie un bouquet de roses virtuelles, que voient aussi ses milliers de followers au même instant. Elle se met à pousser des petits cris de joie. Il est un peu perplexe, un peu fasciné. “Si on avait fait une opération avec Coca, on aurait pu lui envoyer des bulles de Coca, commente

Mick Tsai. Même si on ne comprend pas tout, ces médias sont un vrai besoin qu’expriment les jeunes génération­s.”

Tout est possible, mais il faut éviter un écueil : se mettre en tête de vouloir vendre à tout prix. Ce média permet surtout de trouver de nouveaux moyens de recruter et d’interagir avec l’audience

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“Le live-streaming intéresse les marques qui sont de plus en plus en recherche d’authentici­té et d’humanisati­on.” Philippe Aïn, Komunity Web.
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“Même si on ne comprend pas tout, ces médias sont un vrai besoin qu’expriment les jeunes génération­s.” Mick Tsai, Live.me.
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“Qu’ils vous aiment ou pas, que vous le vouliez ou non, les internaute­s créent du contenu.” Éric Tian, Nice.

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