Bacon, Giacometti et rawstHorne

★★★ Trio des ardents,

de Patrick Grainville, Seuil, 343 p., 21,50 €.

Un écorché de l’absolu, « ascète de la sculpture », une louve lucide, rayonnante d’intelligence, un carnassier de la peinture, fasciné par les voyous : un trio artistique, à haute tension ! Car l’italien Giacometti, l’irlandais bacon, et leur Mélusine, l’anglaise rawsthorne, ne furent pas que de simples amis. en insolents guerriers de la vie, alberto, Francis et isabel se sont livrés aux bonheurs que permet la rencontre : la complicité, l’amour, le sexe, sans peurs ni tabous. De quoi exciter la verve gloutonne et lyrique de l’ogre du Quai Conti. son roman s’ouvre par un coup de foudre dans la nuit électrique du Montparnasse de l’avant-guerre. Giacometti, « gitan convulsif », repère une femme qui « resplendit au bord du gouffre ». son intuition lui souffle qu’elle n’a rien de la muse soumise, c’est plutôt lui qui l’est, soumis à ce qu’elle dégage de sauvage sensualité. Francis bacon ne sera pas moins aimanté. L’« amie inimitable », unique amante de cet homme à hommes, lui inspirera de nombreux portraits, dont l’emblématique Isabel debout, dans une rue de Soho. un joyau dans l’oeuvre de cet immense artiste qui dynamita la tyrannie de l’abstraction, tout comme le firent Giacometti et rawsthorne, une grande peintre tombée dans l’oubli. Grainville l’en extirpe avec fougue dans cette épopée embrassant cinq décennies de vie artistique entre Londres, Paris et New York. « L’art doit exaspérer les nerfs, irriter la racine », affirmait bacon. bacon est grand et Grainville est son prophète !