CETTE EUROPE QUI DÉBAT DE SON AVENIR
En Pologne comme au Portugal, on s’interroge sur le sens de la vie. Et donc de la mort.
Du nord-est au sud-ouest, l’Europe médite sur son avenir, à travers la naissance et la mort. À Varsovie, la rue manifeste à répétition en faveur de l’interruption volontaire de grossesse
(IVG) – « Mon corps, mon choix », « La révolution a un utérus », scandent les manifestantes, après une décision du tribunal constitutionnel restreignant le droit à l’IVG. À Lisbonne, c’est une majorité de députés de gauche qui vient de voter une loi favorable à la « mort médicalement assistée » – l’euthanasie. Les deux pays ont pourtant en commun d’être catholiques dans leur très grande majorité ; ainsi la Pologne compte 87 % de catholiques parmi ses 38,3 millions d’habitants, et le Portugal, 85 % de ses 10,3 millions d’habitants. Or l’Église de Rome se dresse à la fois contre l’avortement et l’euthanasie. Comment expliquer la différence ? La pratique religieuse est encore de
40 % en Pologne ; au Portugal, elle ne dépasse plus les 30 %, ce qui est tout de même beaucoup plus que dans d’autres pays chrétiens.
De même, les deux pays partagent quasiment le même faible indice de fécondité : de 1,46 en Pologne, il est de 1,45 au Portugal (inférieurs au taux allemand, 1,55 et bien en deçà du taux français, 1,88 – le meilleur d’Europe). En revanche, ce qui différencie franchement les deux pays, c’est leur orientation politique.
Les Polonais ont réélu en octobre 2019 leur Parlement en accordant une majorité absolue à la droite, celle-ci obtenant 235 sièges sur les 460 de la Diète. Élections suivies par une présidentielle, dont les deux tours ont eu lieu en juin et juillet derniers, et où le candidat de la même droite, Andrzej Duda, a été réélu – mais avec une majorité plus étroite de 400 000 voix sur 20,4 millions de votants. Or c’est cette droite qui, avec un tribunal constitutionnel de la même couleur, s’oppose à l’avortement et en impose la version la plus restrictive – envers et contre les manifestations féministes. De leur côté, les Portugais ont élu, en octobre 2019, un Parlement de 230 sièges, avec une petite majorité de gauche (Antonio Costa) qui gouverne depuis 2015, puis ils ont renouvelé, ce dimanche 24 janvier, le mandat de leur président de la République de droite (Marcelo Rebelo de Sousa). Celui-ci va-t-il s’opposer à la loi votée par la gauche pour l’euthanasie ? Le voudrait-il que ses pouvoirs sont très limités. Or cette loi succède à la légalisation de l’avortement, intervenue en 2007.
Les Polonais n’observent-ils pas ce qu’il vient de se passer au Portugal ?
Ils pourraient en conclure qu’une fois l’avortement voté, il est difficile de ne pas en venir à la mort volontaire…