Le Figaro Magazine

FLORILÈGE

- LES PASSE-TEMPS D’ÉRIC NEUHOFF

La rentrée approche à grands pas. Cela fait un bruit terrible. Les éditeurs fourbissen­t leurs armes. Dans leur catalogue, des phrases ont le don d’effrayer les âmes sensibles. On nous promet un roman dont le héros est « fasciné par les arcanes du réel ». On ne savait déjà pas très bien ce qu’était le réel, on ignorait qu’en plus il avait des arcanes. Vous aviez peur du réel ? Vous n’avez pas encore vu ses arcanes ! On tremble. Un autre livre est « une course-poursuite verticale sur une terre qui tourne à toute vitesse ». Oui ? Ces formules soulèvent une grave question. On se doutait que les éditeurs ne lisaient pas beaucoup. Visiblemen­t, l’écriture n’est pas leur truc non plus. Il n’est pas étonnant qu’au cinéma le milieu littéraire serve rarement de décor. Dans L’Homme qui aimait les femmes, Charles Denner était publié par Brigitte Fossey

(il n’y a que chez Truffaut que les éditrices ressemblen­t à cette actrice). Dans Le Magnifique, l’éditeur essayait de piquer la petite amie de Belmondo.

Il avait des excuses : c’était Jacqueline Bisset. Dans Doubles vies, Guillaume Canet n’osait pas annoncer à son meilleur ami qu’il refusait son manuscrit. Que font les réalisateu­rs ?

Ils devraient s’attaquer aux dessous (pardon, aux arcanes) du Goncourt, plonger leur caméra dans le salon de Brive (les couloirs des hôtels connaissen­t un trafic nocturne assez intense), s’intéresser aux agents. La littératur­e française aurait bien besoin de quelqu’un qui lui dise : « Coupez ! »

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