LES RENDEZ-VOUS
Introduit depuis quarante ans dans le premier cercle du pouvoir, l’essayiste publie un recueil de portraits de nos présidents. Il s’y livre en creux comme jamais.
Alain Minc est depuis quaranteansle conseiller des princes – ceux de la politique, de l’industrie, des affaires et de la finance. Cela, tout le monde (ou presque) le sait. On sait moins qu’il est aussi l’annaliste des rois de notre temps. Les portes des antichambres du pouvoir s’étant vite ouvertes devant le major de la promotion 1975 de l’ENA, il a approché les souverains de la Ve République dès le règne de Giscard. Il ne les a plus quittés depuis. Rares sont les exemples d’une telle longévité dans le premier cercle du pouvoir, où la moindre faute se paie au prix fort. Minc ne s’en vante pas, mais on sent qu’il tire de cette durée un motif – légitime – de fierté. Mieux : le premier défenseur des élites est capable de se livrer à son autocritique. N’a-t-il pas déclaré au moment de l’avènement d’Emmanuel Macron : « Il y a deux expressions qui me poursuivront jusqu’au bout : le cercle de la raison et la mondialisation heureuse » ?
“Comment ai-je pu ne pas être gaulliste ? Ce manque de lucidité
me hante rétrospectivement”
« MES » PRÉSIDENTS, d’Alain Minc, Grasset, 205 p., 18 €.
Il faut croire que le moment est venu pour lui de confesser ce qu’il a d’autre sur le coeur. Dans son nouvel ouvrage, il décrit, tel un Joinville de la Ve République, ce qu’il a vu ou entendu des huit monarques qui se sont succédé à la tête de l’État français depuis 1958. Pour une fois, Minc laisse de côté concepts et abstractions et donne libre cours à ses intuitions ou sentiments : il y a de l’affection, et même une forme de tendresse, dans le portrait qu’il brosse de Sarkozy, une dureté implacable dans ceux de Mitterrand et Hollande, une inquiétude à peine voilée dans celui de Macron. « Les concepts me passionnent quand ils sont fondamentaux, dit-il, mais les caractères sont bien plus intéressants. » Ce recueil, qui combine analyse politique et psychanalyse des individus, contient aussi un aveu : Minc y dit son admiration rétrospective pour de Gaulle. « Tout le monde a été, est ou sera gaulliste », disait Malraux dans une de ces fulgurances dont il était coutumier…