CHOISIR SON LIEU DE VIE : BEAUCOUP DE FAITS ET UN PEU D’IMAGINAIRE
La ville où l’on s’installe doit assurer du travail, une bonne scolarité aux enfants, un cadre de vie agréable mais aussi faire rêver ceux qui déménagent et leurs proches.
Que ce soit dans les métropoles ou les villes moyennes, la Bretagne et le Sud-Ouest sont à l’honneur de ce premier palmarès. « Cela n’a rien de très étonnant, estime Jean Viard, sociologue et directeur de recherche associé au Cevipof-CNRS. La Provence était à la mode dans les années 1960, mais la façade méditerranéenne apparaît maintenant plutôt comme un secteur instable. Les retraités apprécient toujours de s’y installer, mais les familles, c’est autre chose. Marseille, par exemple, reste encore très mal vue des femmes. » A contrario, l’Ouest a su occuper le terrain depuis cette époque et a mis en place, pendant des années, une politique urbaine ambitieuse. « Cette partie du pays a su intelligemment vendre l’idée d’authenticité et proposer des projets originaux, poursuit Jean Viard. Nantes a misé sur des aménagements confiés à des artistes, Bordeaux a admirablement mis en scène la Garonne et tiré parti du TGV, Rennes a su s’étendre… Et puis, ce sont des régions paisibles où il n’y a pas de mémoire de deuil. Si vous mettez de côté Brest et Le Havre, elles ont globalement moins souffert des destructions de la guerre que le Nord et l’Est et n’ont pas connu la déconfiture de l’industrie. »
Au-delà des données mesurées dans ce classement, l’imaginaire garde un grand rôle dans le choix final. « Comme pour une destination de vacances, la réputation est essentielle, souligne François de Singly, professeur émérite de sociologie à Paris-Descartes et spécialiste de la famille. Cette ville doit nous évoquer des images, nous faire rêver. L’avantage de ce type de palmarès, c’est qu’ils permettent de renouveler un peu nos imaginaires. » Un point de vue que partage Jean Viard. « Une adresse, c’est une image de soi-même, il faut qu’elle suscite du désir. Lyon avait compris cela dès Raymond Barre. Il savait que sa ville avait tout pour elle, sauf ce fameux désir. Depuis, elle a réaménagé ses berges, créé des musées… La ville a été mise en tourisme et on a désormais envie de Lyon. »
LE TGV ET INTERNET ONT CHANGÉ LA DONNE
Si les critères économiques restent essentiels et que la réussite scolaire des enfants est plus essentielle que jamais, la taille de la ville serait moins décisive. Le TGV et de l’internet à haut débit sont passés par là. « Nous vivons tous dans un village, estime François de Singly. Le trajet vers la boulangerie continue de structurer nos déplacements et notre quotidien s’inscrit dans un cercle accessible à 15 minutes à pied de notre domicile. Simplement, pour éviter le sentiment d’enfermement, il faut sentir que l’évasion est possible et avoir un accès facile vers d’autres quartiers ou une métropole. » Du côté des valeurs sûres, on note que les villes recherchées sont encore et toujours celles offrant un patrimoine culturel intéressant et/ou une nature de qualité. Et surtout, le rêve de la maison avec jardin demeure intact. Malgré la dénonciation des risques de l’étalement urbain, toutes les études démontrent que c’est elle qui fait rêver les familles. ■
Aen croire les statistiques démographiques, hors des grandes métropoles point de salut. Et pourtant, si le bonheur n’est pas forcément dans le pré, les familles peuvent aussi le trouver dans les villes moyennes. Ces cités de 50 000 à 100 000 habitants, parfois un peu oubliées ne manquent pas d’atouts et notre classement permet de mettre en lumière des pépites méconnues. Au sommet de notre palmarès des villes moyennes, Bayonne en est une parfaite illustration. Moins célèbre que ses voisines Biarritz ou Anglet, la cité basque a d’autres atouts à faire valoir. « Il y a chez nous moins de 5 % de résidences secondaires, là où Biarritz en compte 42 %, rappelle le maire UDI Jean-René Etchegaray. Résultat : malgré la forte croissance démographique, une population nouvelle peut continuer à s’installer à des prix acceptables. » Il est vrai qu’avec un bond de 14 % de la population en cinq ans, Bayonne est la championne toutes catégories sur ce critère (ainsi que pour la culture et les loisirs, le cadre de vie et la sécurité et 2e pour la santé). Et pour ne rien gâter, cette commune de 53 000 habitants revendique la présence de 31 000 emplois sur son territoire. La capitale du Pays basque est aussi à la tête de la plus grande intercommunalité de France avec 158 communes et 315 000 habitants. De quoi en faire une véritable ville-centre, sans oublier une offre culturelle et sportive importante. Seule ombre au tableau concédée par l’élu : la circulation est souvent délicate et l’offre de transports en commun a tardé à s’étoffer jusqu’à la mise en place d’une ligne de bus, majoritairement en site propre et qui devrait être vite rejointe par une deuxième ligne de ce type.
QUIMPER, SEREIN POUR L’AVENIR
Viennent ensuite deux cités voisines du sud de la Bretagne : Quimper pour le Finistère et Vannes pour le Morbihan. Leurs profils sont assez proches : bien notées sur la quasi-totalité des indicateurs si ce n’est le dynamisme démographique et les transports. Vannes est simplement pénalisée par ses résultats moins bons sur nos critères immobiliers. « Je suis très serein pour l’avenir des villes moyennes dynamiques, souligne l’ex-LR Ludovic Jolivet, maire de Quimper. Les métropoles ont plus de mal à tenir leurs promesses sur le logement ou la sécurité. » À la tête d’un « grand village » de 65 000 habitants, il estime que la capitale de la Cornouaille allie climat apaisé et performances économiques « pas loin du plein-emploi ». Résultat : « On vit bien à Quimper, les impôts rentrent bien et nous pouvons offrir de bonnes prestations. » Toujours à l’ouest, mais du côté des Deux-Sèvres cette fois-ci, le bon classement de Niort (4e place) a été chaleureusement accueilli par le maire radical, Jérôme Baloge.
Bayonne est la ville ayant connu la plus forte croissance démographique
de ce palmarès : + 14,1% en 5 ans !
Il faut dire que la dernière fois que sa ville avait eu les honneurs des médias, c’était à l’occasion de la sortie du roman Sérotonine où Michel Houellebecq l’évoquait en ces termes : « L’une des villes les plus laides qu’il m’ait été donné de voir. » L’édile avait su lui répondre avec humour et rappelle que sa ville est l’une des seules de France à être intégralement située dans un parc naturel régional, celui du Marais poitevin, tout en étant à moins de deux heures de Paris grâce au TGV. « La ville s’est considérablement embellie, les façades du centre-ville se rénovent et il y a chez nous un art de vivre qui ne se mesure pas dans les statistiques. Tout le reste n’est que roman », conclut en un clin d’oeil Jérôme Baloge.
UNE VILLE À LA CAMPAGNE
Non loin de Niort, La Roche-sur-Yon (5e place) défend les couleurs de la Vendée. Elle se distingue notamment par sa 2e place sur le critère « culture et loisirs ». « Notre offre culturelle dépasse largement ce qui se fait généralement pour une ville de cette taille », acquiesce le maire (ex-LR désormais soutenu par LREM) Luc Bouard, en énumérant son festival de films, sa scène nationale, son pôle culturel ou encore sa salle de musiques actuelles qui va être reconstruite. Et les sports ne sont pas en reste entre le club de basket féminin et une touche d’exotisme avec son équipe très performante en rink hockey, ou hockey sur patins, très populaire en Espagne. Au total, un tiers de la population de cette « ville à la campagne », comme la décrit Luc Bouard, est licencié d’un club de sport.
En 6e position de ce palmarès, Colmar fait figure d’exception. C’est la seule ville du top 10 à n’être située ni à l’ouest, ni en bord de mer. Connue des touristes, la capitale des vins d’Alsace a aussi de quoi séduire ses habitants : qui sait qu’avec son microclimat c’est l’une des villes les plus sèches de France ? Cette cité cossue est apparue aussi récemment assez haut dans le classement officiel des villes où le montant moyen de l’impôt sur la fortune immobilière est le plus élevé. « Ce côté très touristique déplaît à certains, reconnaît Jean-Paul Sissler, adjoint au maire, mais c’est la preuve que notre ville dispose d’un important patrimoine naturel et historique. Et surtout, c’est la garantie d’une activité économique et un soutien pour le commerce en centre-ville. » Il faut ensuite descendre jusqu’aux 8e et 9e places de ce classement pour voir apparaître deux voisines méditerranéennes : Béziers et Narbonne. Sans surprises, la deuxième ville de l’Hérault et la sous-préfecture de l’Aude tirent parti de leur cadre de vie (2e et 3e positions). ■