L’ÉLÉGANCE EN COL BLANC
La chemise reste un terrain d’expérimentation sans limites pour les faiseurs en tout genre. Boutons carrés, colorés, boutonnières originales, cols surdimensionnés ou sous-dimensionnés, gorges et empiècements en tissus voyants, les fantaisies sont légion… Et il est tout à fait acceptable de les trouver d’un goût hideux. A chaque époque son lot de curiosités vestimentaires.
Les premières chemises colorées sont apparues entre les années 1910-1920. Seules les plus pâles étaient tolérées ou alors à rayures, la rayure étant un signe d’hygiénisme apprécié. A ce moment-là, les cols durs étaient détachables, et uniquement blancs. La marque Arrow était
« le » spécialiste du genre. Ainsi naquit un attelage inédit, la chemise colorée à col blanc, immortalisée par le célèbre dessinateur
J. C. Leyendecker (18741951). Cette esthétique hardie séduisit beaucoup d’hommes, en particulier dans le monde anglosaxon. L’opposition sociale des cols blancs et des cols bleus, les premiers devant être nécessairement plus riches pour entretenir la délicatesse du blanc, trouve là son origine.
Si à partir des années 1940 les cols détachables furent abandonnés, ce style a continué plus ou moins suivant les modes. Avec des poignets blancs ou pas : les poignets non opposés donnant une chemise un peu moins ostentatoire, plus délicate. Symbole des milieux financiers et de l’élite, il n’est plus rare de trouver des polos ou des modèles décontractés qui arborent ce décalage de couleur sans arrièrepensée. Une chose est sûre, le col blanc rend le visage lumineux et le détache artificiellement du buste, en rompant avec le costume sombre. Au-delà donc de son esprit de caste, c’est une bonne manière de donner du relief à une tenue. Et le moyen de perpétuer ce qui, jadis, fit grogner les tenants de l’orthodoxie edwardienne.