LECTURE / POLÉMIQUE
Quatre ans après les attentats contre « Charlie Hebdo », Marc Weitzmann tente de comprendre comment la France a basculé dans l’ère de la terreur islamiste et antisémite dans un essai aussi passionnant que contestable.
C’était il y a tout juste quatre ans. Le début d’un long cauchemar dont les Français ne se sont toujours pas réveillés. Le 7 janvier 2015, l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, aux cris d’« Allah akbar », suivi de la prise d’otage meurtrière de l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, faisaient basculer notre pays dans l’ère de la terreur islamiste et antisémite. Avec son nouveau livre, Un temps pour haïr *, Marc Weitzmann observe avec le recul ces quatre années et tente de percer les ressorts profonds de ce déchaînement de violence et de « haine ». Le journaliste et romancier mêle l’enquête, le reportage, la sociologie et la réflexion. Le résultat est ambitieux et foisonnant, mais aussi parfois confus. La partie factuelle du livre est riche et passionnante. Marc Weitzmann a fait un travail de terrain impressionnant, allant assister aux audiences des premiers procès terroristes ou à la rencontre de familles de djihadistes. A elle seule, la transcription d’écoutes téléphoniques glaçantes de Hasna Aït Boulahcen, cousine d’Abdelhamid Abaaoud, le logisticien des attentats du 13 novembre 2015, mérite le détour. Elle confirme l’existence d’une jeunesse de banlieue complètement décérébrée qui ne fait plus aucune distinction entre le bien et le mal et se montre totalement indifférente à l’égard des victimes du terrorisme.
La partie idéologique du texte est beaucoup moins convaincante. La France serait, selon Weitzmann, confrontée, non pas à une, mais à deux menaces à la fois concurrentes et complémentaires : l’islamisme et le populisme comme les deux faces d’une même pièce. Islamistes et « rouges-bruns » se nourriraient d’un même ressentiment lié à la colonisation, d’un même rejet de la modernité, d’une même détestation des Etats-Unis. Le vieil antisémitisme de Maurras, pourtant moribond, rejoindrait le nouvel antisémitisme de Youssouf Fofana, l’assassin d’Ilan Halimi. Weitzmann s’autorise ici tous les amalgames : Tariq Ramadan, Houria Bouteldja, Alain Soral, Dieudonné, Alain de Benoist, Eric Zemmour, Michel Houellebecq et même Jean-Pierre Chevènement, tous dans le même panier ! L’auteur va jusqu’à comparer l’admiration légitime suscitée par le sacrifice héroïque du colonel Arnaud Beltrame et la fascination morbide qu’exercent les djihadistes sur leurs supporters.
Quel que soit le danger que représente le populisme, le renvoyer dos à dos avec la menace islamiste n’est pas soutenable. Depuis janvier 2015, le terrorisme islamiste a fait près de 250 morts tandis que les populistes s’inscrivent dans un cadre démocratique et non violent. En réalité, les islamistes et les populistes ne sont pas alliés, mais adversaires irréductibles. Quand les premiers, même lorsqu’ils sont non violents, prônent une idéologie séparatiste, les seconds répondent, certes de manière parfois discutable, démagogique ou excessive, à une inquiétude profonde et réelle que la politique a trop longtemps méprisée : la continuité nationale. Weitzmann croit regarder la réalité en face. Il ne fait que noyer le poisson islamiste dans l’eau du bain populiste.
* Grasset, 507 p., 22 €.