FEMME FATALE
★★★★ NICO. THE END, de James Young, Séguier, 321 p., 21 €. Traduit de l’anglais par Charles Villalon.
Elle est connue, avant tout, pour seulement trois morceaux du Velvet Underground auxquels elle a prêté sa voix, lorsque Andy Warhol en avait fait sa walkyrie sublime et asexuée, reine glacée de la Factory. Elle a été mannequin, actrice (La Dolce Vita), amante d’Alain Delon – avec qui elle a eu un fils que son père n’a jamais reconnu –, de Brian Jones ou de Jim Morrison. Au début des années 1970, elle a sorti en solo des albums qui sont des chefsd’oeuvre gothiques néomédiévaux (The Marble Index, Desertshore), puis s’est installée à Paris avec son nouvel amour Philippe Garrel qui la faisait jouer dans des films expérimentaux sans dialogues (La Cicatrice intérieure, Les Hautes
Solitudes...) qu’elle illuminait de son étrangeté. Dans les années 1980, junkie ruinée, elle échoua à Manchester, ville ravagée mais paradis opiacé, où, avec un groupe de gamins, elle entama une nouvelle carrière, la dernière de sa vie. James Young jouait du clavier dans ces tournées de clubs minables en discothèques fétides tout autour de l’Europe. Ce qu’il a tiré de ces années de galère avec une icône en pleine décrépitude a donné l’un des cinq plus grands livres écrits sur le rock. Dans un mélange parfait d’admiration, d’intelligence et de cinéma-vérité, il raconte la complexité d’une
Nico qui a grandi dans Berlin bombardée, connu la gloire des sixties, pour finir bohémienne « déesse de la lune », perpétuellement altérée, jouant ses comptines dérangées devant des foules de punks et de gothiques perplexes. Derrière les ravages du temps subsistaient une beauté sans âge et un talent indescriptible pour les chansons les plus terrifiantes qu’on puisse imaginer. Tout cela pour mourir d’une chute de vélo à Ibiza l’été 1988…