DE L’AVENIR FAISONS TABLE RASE
Il y eut les bonnets rouges. Il y a les gilets jaunes. Demain, les bretelles vertes ? Assistons-nous à l’agonie nécrofestive du Vieux Monde ou à la genèse d’un nouveau – celui de « l’insurrection qui vient » ? Pour la religion dominante, dont le credo est la disruption (destruction créatrice), ces deux points de vue ne sont pas antagonistes. Ses dévots les confondent en une même hérésie : le déplorable refus du paradis libéral-libertaire comme fin dernière d’une humanité émancipée. Ils en concluent qu’il n’est qu’un « nouveau monde » : le leur ! L’hypothèse selon laquelle ils seraient eux aussi les idiots utiles de la destruction créatrice ne peut donc jamais leur venir à l’idée. Ainsi vus, les gilets jaunes ne peuvent être que l’expression désuète de communautés résiduelles condamnées par l’Histoire. Mais il est tout aussi facile de montrer que le libéralisme libertaire n’est qu’une vieille utopie née au XVIIIe siècle et devenue dystopie régressive ; matrice flétrie de tous les effondrements. Comme tel, il est donc autant la proie de l’obsolescence que ce qu’il prétend dépasser. La disruption est un merveilleux concept : il est toujours réversible et peut à chaque instant dévorer ses idolâtres.
Si « la Raison dans l’Histoire » use et abuse de ruse selon Hegel, il serait piquant qu’elle fût ici à l’oeuvre, réservant aux meneurs le sort qu’ils réservaient aux menés : la disparition.